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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Camorra, sans contrefaçon. Partie 2

Publié par Desmoulins sur 31 Octobre 2020, 16:55pm

Catégories : #Camorra, #Gomorra, #Italie, #Chine, #contrefaçon, #Actualités, #crime organisé

(Copyright Fred Dufour AFP)

(Copyright Fred Dufour AFP)

La deuxième partie de l'article va surtout consister en une liste non exhaustive des différentes affaires et surtout des réseaux démantelés. La police et les Douanes vont se concentrer sur les 3 villes, véritables pôles d'activités et centralisateurs de la contrefaçon : Vintimille, Prato et Naples.
Fin juin 2010, c'est une vaste opération de la Guardia di Finanza qui va viser les «intérêts chinois» dans le nord du pays.
Toscane, Lombardie, Piémont, Vénétie, Emilie Romagne, Lazio, Campanie et Sicile. 24 personnes (17 chinois et 7 italiens) arrêtées et 134 autres inculpées. 
Basé essentiellement à Florence et à Prato, le réseau est accusé d’avoir blanchi l’argent issu de la contrefaçon, de la fraude commerciale, de l’évasion fiscale, du travail au noir et du proxénétisme. Depuis 2006, au moins 2,7 milliards d’euros seraient ainsi partis en Chine. Les blanchisseurs s’appuyaient sur la société de transfert d’argent «Money2Money», dont le siège est à Bologne mais disposant d’agences dans toute l’Italie. Cette société est contrôlée par Jian Han Cai, 63 ans, et ses deux fils Cheng Chun Cai, 41 ans, et Cheng Qui Cai, 37 ans. Le réseau utilisait aussi la société «Fininternational», basée à Saint-Marin. Au total, plus de 100 sociétés sont impliquées. Les autorités anti-mafia ont saisi 73 sociétés, 181 immeubles et 166 voitures haut-de-gamme. 

L'opération de juin 2011 baptisé «Cian Ba» («digue sur le fleuve») est encore plus importante.
Mobilisant 500 agents contre les transferts illégaux de la communauté chinoise établie en Italie. 70 sociétés, spécialisées dans le textile (44 à Florence, 25 à Prato, une à Pise), ont été placées sous séquestre, de même que 76 biens immobiliers (39 à Florence, 37 à Prato) 396 comptes bancaires sont identifiés ayant servis au transfert de 238 millions d'euros venant de 318 entreprises. 70 personnes accusées d’abus de biens sociaux, fraude fiscale et transfert illégal de capitaux vers la Chine. Le réseau est gigantesque à se demander comment la Toscane a pu cacher en son sein autant d'activités frauduleuses. Tout ce qui brille n'est pas d'or.
La Toscane mis sous scellés, mais seulement pour un temps, la Guardia di Finanza va s'intéresser ensuite aux affaires romaines de cet axe campano-chinois.
En janvier 2012 s’inquiétant de plus en plus des activités du crime organisé chinois à Rome et dans sa banlieue et pas seulement dans la contrefaçon de marques mais aussi dans le racket des immigrés clandestins et des commerçants, enlèvement, transferts illégaux de fonds vers l’étranger, trafic de Kfen (dérivé de la kétamine), jeux clandestins, ect… Toujours en lien avec des intérêts camorriste ou 'ndranghetiste.
Pour les enquêteurs, la principale organisation mafieuse chinoise de Rome est le «Soleil Rouge» qui serait divisé en 3 sous-groupes : «Alliance Orientale du Quan Tien», «Tête de Tigre» et «Oiseau du Paradis». Le chef de cette organisation surnommé «A Feng», serait installé à Paris.

Esquilino fief de la communauté chinoise de Rome (adnkronos)

Esquilino fief de la communauté chinoise de Rome (adnkronos)

Le «Soleil Rouge» sévit à Rome depuis le début des années 90. 

A l'époque un restaurateur chinois, Chu Xang, avait osé signaler à la police qu'il se faisait racketter par l'organisation. Possédant plusieurs restaurants dans les anciennes ruelles de Rione Monti, l'homme a vu la visite des «émissaires» du Soleil Rouge reconnaissable à leurs tatouages en forme de triangle sur le dos de la main, des brûlures de cigarettes sur l'avant bras et la phalange d'un doigt coupée au couteau et suturée (sévices que subissent les membres introduits au sein de l'organisation). Si ce signalement a débouché sur 3 arrestations. Les objectifs de la triade eux sont restés inchangés, mettre la main sur tous les restaurants de leurs compatriotes dans une capitale qui a vu naître 300 établissements de restauration en quelques années. 
Dans le quartier Esquilino où se concentre la communauté chinoise, le quartier se voit imposé un une taxe sur l'achat et la vente de biens et le pizzo, par l'intermédiaire du Soleil Rouge mais la concurrence entre triades chinoises va voir l'apparition d'un clan camorriste  bien implantée à Rome, les Giuliano. Ces derniers vont par la force et parfois la négociation prendre la place des chinois sur ce racket. S'ils ne l'ont pas accepté facilement dixit un repenti, les criminels chinois y ont trouvé leur comptes en passant un accord avec les Giuliano pour faire passer leurs produits contrefaits en Campanie. Le clan dispose d'entrepôts dans l’arrière pays à Cassino sur le territoire des Casalesi qui vont ainsi toucher aussi leurs dividendes. En 2003 l'opération «Muraille de Chine» démantèle tout le réseau grâce aux déclarations d'un coopérateur de justice. Parmi les interpellés on trouve le comptable romain Martino Solito et sa société de courtage «Dafa Consulenze» par qui passait toutes les transactions.
Dans l'arrière pays florentin, à Campi, San Donnino, Brozzi et bien sûr Prato, la triade avait déjà mis en coupe réglée plusieurs centaines de travailleurs clandestins chinois, parqué dans de grands hangars désaffectés, travaillant jour et nuit pour un salaire de misère. Engraissant quelques nantis regroupés autour de 4 grandes familles dont les éléments se distinguait par moultes signes extérieurs de richesse au milieu d'une précarité indicible. «Les agents sont décontenancés, l'omerta règne au sein de ces communautés fermées, et qui jalousement garde en elles ces codes secrets» se rappelle le commissaire adjoint Roberto Scigliano. 

Le silence est d'or.

Les liens entre la pègre romaine et le crime organisé chinois apparaissent également à l’occasion d’un faits-divers tragique qui a touché la communauté chinoise romaine début janvier 2012 : deux hommes ont tué un ressortissant chinois Zhou Zeng et sa fille Joy, âgée de 9 mois. La mère de Joy a été légèrement blessée. L’un des agresseurs, Mohammed Nasiri, a été retrouvé pendu dans une maison abandonnée de la campagne romaine, une boîte de raticide ouverte à ses pieds. Ce suicide était considéré comme suspect mais une écoute téléphonique montre qu’un boss de la pègre romaine avait prévenu un mafieux chinois de la cache du délinquant marocain. Le truand romain aurait ainsi voulu rendre service à cette «mafia chinoise» qui aurait ensuite régler ses comptes avec Nasiri.  (Repubblica - Crimorg)
Janvier 2014. Opération «Via della Seta» contre 6 réseaux de contrefaçon, associés sous forme de holding. 3 de ces réseaux étaient directement gérés par des clans de la Camorra. Les vêtements de marque contrefaites étaient soit importés de Chine, soit fabriqués localement. 76 personnes ont été inculpées et 49 ont été arrêtées. 18 ateliers clandestins ont été démantelés et 442 machines ont été saisies, de même que 300.000 pièces de vêtements ou d’objets en cuir contrefaits. 3 millions de biens (mobiliers, immobiliers, polices d’assurance, etc...) ont également été confisqués. 
En juillet 2015, la Guardia di Finanza récidive contre des entrepreneurs chinois impliqués dans la revente de contrefaçons et la fraude fiscale. Aboutissement d'une enquête sur les sociétés chinoises implantées à CommerCity, un pôle commercial de grossistes situé près de l'aéroport de Rome-Fiumicino (700 000 m2 pour les 320 magasins et leurs entrepôts). Les enquêteurs ont constaté que 50 % des boutiques étaient contrôlées par des chinois mais que seulement 9,2 % du chiffre d'affaires de CommerCity leur étaient imputables. Les sociétés en cause sont aussi soupçonnées d'avoir fraudé la TVA à hauteur de 7 millions d'euros et d'avoir éluder au moins 44 millions d'euros d'impôts. 35 entrepreneurs chinois ont été interpellés. 3 millions de pièces de vêtements contrefaits et 1,3 million d'accessoires contrefaits ont été saisis, de même que 14 sociétés, 35 immeubles, 10 voitures de luxe et 135 comptes bancaires et coffres-forts. (Repubblica – Crimorg)
Rebelote en 2016 avec l'opération «Gran Bazar» contre un double réseau de diffusion de marques de vêtements contrefaits. 53 personnes ont été arrêtées. Le premier réseau importait des vêtements haut de gamme depuis la Turquie et les revendait dans des boutiques complices en Lombardie, Vénétie, Toscane et dans les Pouilles. Une partie de la marchandise était également ré-expédié vers la Chine pour y être vendue. L’autre réseau, dirigé par Gennaro «O’Cinese» Caputo, diffusait des marques contrefaites via le marché parallèle. 18 locaux pour stocker la marchandise, 158 machines industrielles, 470.000 pièces de vêtements ont été saisis. 

CommerCity (FrosinoneToday)  ;  Zhang Naizhong (Panorama)
CommerCity (FrosinoneToday)  ;  Zhang Naizhong (Panorama)

CommerCity (FrosinoneToday) ; Zhang Naizhong (Panorama)

La tête du Dragon tombe enfin

Le point culminant de toutes ces enquêtes est atteint en janvier 2018. 
L'accord passé en 2016 entre l’Italie et la Chine afin d'envoyer 2 policiers chinois à Rome et à Milan y a forcément bien aidé. 
L’opération «China Truck» contre un réseau mafieux chinois basé à Prato a vu l'interpellation de 33 personnes, toutes chinoises, et 54 autres inculpées. Parmi les personnes arrêtées figure Zhang "The Black Man" Naizhong, 58 ans, présenté comme le «boss des boss» de la mafia chinoise en Italie. 
Son fils et bras-droit et sa maîtresse, considérée comme la secrétaire et la comptable du clan sont eux aussi interpellés.
Grâce à des actes d’intimidations et de violences, Zhang avait pris le contrôle du transports de marchandises chinoises non seulement en Italie, mais aussi en France, Allemagne, Espagne, Portugal et Pologne.
En plus du monopole du transport, le réseau était impliqué dans des affaires de jeux, de proxénétisme, de contrefaçons, d’usure, de trafic de stupéfiants et d’extorsion de fonds. Le boss Zhang Naizhong a été interpellé dans sa résidence, modeste, de Rome où les policiers ont saisi des bijoux, des montres de luxe et 30.000 euros en liquide. Le mafieux avait également à sa disposition des véhicules haut-de-gamme. Le fils de Zhang, également son bras-droit, et sa maîtresse, considérée comme la secrétaire et la comptable du clan, ont également été arrêtées. La police a lancé l’enquête en 2010 suite à un double homicide à Prato. Selon les enquêteurs, le boss mafieux aurait imposé une «pax mafiosa» entre les clans de Prato suite à une guerre entre 2000 et 2010 (une soixantaine de morts entre chinois originaires de Zheijiang et de Fujian). La puissance de Zhang s’est illustrée en février 2013, avec le mariage de son fils à l’hôtel Hilton de Rome, rassemblant 500 invités venus de toute l’Italie, mais aussi de Chine et de France.
8 sociétés ont été saisies à Prato, Rome, Milan, en France et en Allemagne, de même que des immeubles, des véhicules et 61 comptes bancaires. 
En mai 2013, la police italienne effectue une «descente» au «Club Bojue» à Prato («capitale italienne du textile», en Toscane) : les policiers y découvrent un centre de jeux clandestins, de proxénétisme et de distribution de stupéfiants (kétamine, ecstasy,…). «Bojue» est le mot en mandarin pour «Comte» : la boîte de nuit appartient officiellement à Stefano Massai, en fait un gérant de paille pour compte d’un des plus importants parrains du crime organisé chinois en Italie et en Europe : Zhang Naizhong.
Zhang aurait également été identifié comme un acteur majeur du cime organisé par les services de police en France. Il aurait notamment tenté de faire pression sur Weng Deshun, propriétaire de la société française de logistique «Euro Transport International». En 2017, le boss avait réussi à écarter la société «Liantong» du secteur du transport à Prato : le gérant Bao Wenou avait préféré céder ses parts à un prix largement inférieur au prix du marché… Au coeur de son système ce trouve la société romaine «Euro Anda SRL», avec des filiales à Paris, Neuss (Allemagne), Madrid et Barcelone. En 2013, «Euro Anda SRL» avait été racheté par «Interlogistica SRL», détenue à 60% par Wang Wei, homme de paille de Zhang, et à 40% par Shah Nawaz Chaudhry, 44, un pakistanais vivant à Rome. Après sa libération, Zhang Di, 37 ans, le fils du parrain, a créé deux sociétés à Rome : la holding «Decho Immobiliare SRL» (en copropriété avec la femme de Zhang Di, Guan Mengxia) et la société de transport international «Elt Express SRL» (avec Miao Ruojun, mariée à Pan Zuoxiu, un des plus proches associés de Zhang père). Pan a déjà été impliqué dans une fusillade à Neuss, en Allemagne, en septembre 2007. Cette fusillade semble lié à la décision d’évincer la société française «Euro Transport International» du marché. Le groupe de Zhang a réussi à obtenir le quasi monopole des transports de marchandises chinoises en Allemagne : les autorités allemandes ont des dossiers en cours pour des délits fiscaux et douaniers.  (Repubblica - Crimorg)

A Naples on «contrefaçonne» comme on fait la cuisine, en chantant (selon 66 minutes).

A Naples, le business de la contrefaçon n'a toujours concerné que quelques clans même si par tout un réseau d'initiatives tout le monde croquait plus ou moins. Les luttes pour le contrôle de territoires et des intérêts concernaient aussi la contrefaçon. Ainsi fin 2010, la police de Torre del Greco arrête 34 personnes, affiliés au clan Sarno, Fusco-Ponticelli et De Luca-Bossa.
En ligne de mire le clan Sarno et sa lutte contre plusieurs autres clans dont les Mazzarella de Forcella. En particulier, les faits impliquant l'assassinat de Ciro Persico, et l'embuscade dans laquelle est décédé Gioacchino Cantone, le 6 novembre 2008 Piazza Mercato (ça ne s'invente pas), au moment crucial de l'affrontement entre clans pour le contrôle sur la contrefaçon des marques et la duplication de matériel audio/vidéo de fabrication chinoise.
La contrefaçon napolitaine revêt bien des avatars et ne concerne pas malgré les accords juteux, que du matériel chinois. En juillet 2011 l'opération «Zia Connection» contre un réseau de production et de distribution de faux (notamment les chaussures Hogan), basé dans le quartier Scampia de Naples. 38 personnes ont été arrêtées et 600.000 euros de faux ont été saisis. Le chef du réseau était une femme du nom d'Anna Emmaussa, surnommé «la Zia». 

Trois ateliers clandestins démantelés dont deux spécialisés dans les faux chèques

Le réseau était financé par un trafic de drogue (11 kg d’héroïne et 7 kg cocaïne saisis). 17 ateliers clandestins ont été découverts : 13 en Campanie, 2 dans les Pouilles et 2 en Calabre.
Avril 2012 c'est un réseau d’escroquerie aux faux chèques qui est découvert en Catalogne. 28 personnes (italiens, brésiliens et espagnols) ont été arrêtées pour avoir détourné 1 million d’euros grâce à des chèques falsifiés présentés à des établissements bancaires. L’intervention policière a permis d’empêcher l’encaissement de près de 900 chèques pour un montant total de 27 millions d’euros. Trois ateliers clandestins ont été démantelés : 2 étaient spécialisés dans les faux chèques et les faux documents commerciaux, le dernier permettait de fabriquer de fausses cartes d’identité et de fausses cartes de résidents. Le chef présumé du réseau est un italien, expert en informatique et en contrefaçon. Il était recherché en Italie pour escroquerie et lien avec la Camorra. 
En 2014, une opération coordonnée de la police italienne, de la Guardia di Finanza et des carabiniers a ciblée le clan Contini. 90 personnes ont été arrêtées en Campanie, à Rome et en Toscane. Les autorités se sont appuyées sur les déclarations de 10 repentis lors de cette opération contre les Contini, basés dans le quartier Arenaccia à Naples. Parmi les personnes arrêtées figurent les 2 chefs du clan : Edoardo Contini, 58 ans (déjà incarcéré), et son beau-frère Patrizio Bosti, 49 ans. Un fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur fait également partie des personnes interpellées.
Le clan avait passé un accord avec la «Bande de la Magliana» (pègre romaine) pour investir à Rome l’argent issu du trafic de drogue et de la contrefaçon. Au total, 250 millions d’euros de biens ont été saisis : à Naples, 49 sociétés, 28 immeubles et terrains, 4 usines de torréfaction, 500 comptes bancaires et 4 aires de service sur des autoroutes ; à Rome, une vingtaine de bars, de restaurants, de pizzerias et de glaciers ; en Toscane : 4 pizzerias. L’enquête concerne aussi un match truqué qui a profité (promotion en série B) au club de foot de Gallipoli (Pouilles), dans lequel le clan Contini aurait investi. 

Plus c'est gros.... (pausecafein)  et la cigarette préférée de Maurizio Sarri la "Blue Napoli"
Plus c'est gros.... (pausecafein)  et la cigarette préférée de Maurizio Sarri la "Blue Napoli"Plus c'est gros.... (pausecafein)  et la cigarette préférée de Maurizio Sarri la "Blue Napoli"

Plus c'est gros.... (pausecafein) et la cigarette préférée de Maurizio Sarri la "Blue Napoli"

Le SS Napoli dindon de la farce de la contrefaçon

En 2014, les autorités locales font état du manque à gagner que représente la contrefaçon pour le Napoli, en effet le club de foot doit pâtir d'une concurrence féroce de la Camorra dans la vente de ses produits, gadgets et maillots à sa gloire. Autour du stade on ne compte plus les stands de vente à la sauvette de produits dérivés avec le logo contrefait du club. Une preuve de plus que les clans ont réellement investi l'économie du stade, que ce soit au sein des groupes ultras du San Paolo ou des parchegiatorri (gardiens de parkings plus ou moins clandestins) à l'extérieur.

En novembre 2018 dans le documentaire "Baby Camorra" du journaliste espagnol, David Berian, un camorriste de Scampia raconte que les chances d'acheter un maillot non contrefaits du Napoli dans un magasin de Naples sont quasi nulles. On connait les raccourcis qu'engendrent ce genre de déclarations péremptoires venant d'un criminel en interview qui veut aussi se faire mousser mais tout de même, ça interpelle. On connait le combat du président Aurelio De Laurentiis sur la contrefaçon. On lui a reproché la cherté des équipements du club, pour tenter de combattre ce fléau. Le fait qu'il soit aussi en lutte avec une bonne partie des fans et du milieu ultra napolitain n'arrange rien hélas à "l'inaudibilité" de son discours auprès des fans sur cette question.
En octobre de la même année, les autorités découvrent "Blue Napoli" la «nouvelle marque» de cigarette lancée par la Camorra. Tout ça vendu aux couleurs du club de foot local. La police a saisie un stock de sept tonnes de ces cigarettes prêtes à envahir la ville de Naples et sa province. 
Ce trafic de cigarettes de contrebande, effectif depuis les années 70 chez les clans camorriste, est tout autant un problème criminel qu'un problème de salubrité publique comme le rappelle un article d'Il Mattino en août 2015.
«A côté de la flambée de la consommation de cigarettes de contrebande aujourd'hui, nous devons faire face à un autre danger: celui de la mauvaise qualité des produits et, de plus en plus, leur haut degré de toxicité».
Je ne ferais pas la liste de toutes les opérations contre ce marché florissant, l'article est suffisamment didactique. 
Naples est un terminal principal de ce nouveau trafic de «blondes» produites dans certains pays d'Europe orientale et même d'Extrême-Orient.
Acheminés, ces stocks de marques de cigarettes inconnus sont géré ensuite par la Camorra. Il suffit de déplacer à travers les rues étroites de Forcella, de Sanità, ou de traverser le marché de Borgo Sant'Antonio Abate pour réaliser à quel point ces produits ont inondé les marchés et les entrepôts vides d'Arzano, Striano et Casavatore.
Les noms de ces marques ne vous diront rien ou peu : D & B, Yesmoke, 777, etc..., pour ne pas mentionner les innombrables marques imprononçable parce écrit en cyrillique. Les étales qui défilent, l'une après l'autre à une distance de seulement dix à quinze mètres les unes des autres dans ce «salon du tabac». L'offre est énorme et les prix restent moins cher: des paquets de vingt cigarettes sont vendus à des prix allant de 2 à 3,50 euros. Sans parler des fausses boîtes de Chesterfield et de Marlboro parfaitement imité dans le moindre détail fait en Ukraine et en Chine et transitant depuis la Grèce et l'Albanie (une route ouverte parle clan Polverino et poursuivie par les Nuvoletta). Il s'agit de la contrefaçon qui a fait la réputation des napolitains et la trésorerie des clans durant des décennies.
En février 2017, Luigi Ferrara, et Luigi Rusciano, deux des plus importants grossistes du secteur sont enlevés et abattus à Afragola.  «Les cigarettes ont au moins le charme de vous laisser inassouvi.» Oscar Wilde.

(Fan Page et Il Tirreno)
(Fan Page et Il Tirreno)

(Fan Page et Il Tirreno)

90% des faux billets mondiaux proviennent de Campanie

Autre cœur de cible les faux billets. Le savoir-faire de la Camorra est sans commune mesure avec aucunes autres organisations criminelles européennes. Ça travaille sur des bécanes derniers cris dans des entrepôts clandestins.  
Février 2015. Maxi saisie de faux billets la nuit dernière dans une cave de Villaricca. La police de Giugliano, a découvert pas moins de 53 millions d'euros en faux billets de 100, 50, 20 et 10 euros. Et une personne a été arrêté, Antonio Sgambati, 50 ans. C'est une des plus importantes saisies jamais réalisée dans le monde.
Les billets étaient déjà coupés, comme les originaux, et prêt à être commercialisées. Sgambati, déjà connu de la police, est accusé de faux, dépenses et introduction de monnaie contrefaite.
Le procureur de Naples Nord a lancé des enquêtes de reconstituer la chaîne des responsabilités entre la production et les canaux de distribution de l'argent si habilement truquée. Selon un rapport datant de la fin 2014, en fait, 90% des billets contrefaits dans le monde proviennent de Campanie et de la Camorra, principalement en euro, mais en dollars également. Cet argent est distribué également dans des pays lointains, comme la Colombie.
Encore 900.000 faux billets de très bonne qualité pour une valeur de plus de 28 millions d'euros saisis en novembre 2017.
Les deux chefs présumés de l'organisation de faussaires étaient deux Napolitains ayant "une longue expérience" dans le secteur de la contrefaçon. Ils sont soupçonné d'avoir organisé les imprimeries et d'avoir tissé des liens avec des Italiens résidant en Roumanie pour y mettre aussi en place une imprimerie de fausse monnaie. Les faussaires s'occupaient d'abord de trouver un immeuble n'éveillant pas les soupçons de la police, puis ils y organisaient une imprimerie éphémère pour fabriquer des faux billets pendant 10-15 jours. "Au cours de ce laps de temps, ils pouvaient imprimer plus de 15 millions d'euros en faux billets. Ensuite, ils interrompaient les opérations, et parfois transféraient carrément l'imprimerie dans un autre immeuble". (Europe 1)

En 2020, une enquête sur un réseau de faux-billets, lié à la Camorra, a permis l'arrestation de 44 personnes. 8 millions d'euros en liquide et des biens estimés également à 8 millions d'euros ont été saisis. En France, il y a eu des arrestations en Charente (Igor Divetain, 32 ans, cocaïnomane servant de "mule" et par ailleurs petit-fils de l'actrice Catherine Deneuve) et en région parisienne (un franco-italien, "homme à tout faire" du réseau et un italien de 58 ans, beau-frère du boss du réseau et déjà condamné pour des braquages en Italie). L'enquête avait commencé en Italie en janvier 2018 sur un réseau de fausses coupures de 50 euros. Des accusations de trafic de stupéfiants ont également été portées. Le réseau est soupçonné de produire 25% de l'ensemble des faux-billets en euros en circulation. Durant l'enquête, en février 2018, un stock de 450.000 faux-billets de 50 et 100 euros avaient été saisis à Naples, et en juillet 2018 une imprimerie clandestine avait été découverte en Lombardie. (Interpol - Crimorg)

Imprimerie clandestine démantelé à Salerne en 2015

Imprimerie démantelée en 2020

Imprimerie démantelée en 2020

Qui contrôle le marché contrôle la contrefaçon.

En octobre 2016, 8 membres du clan Mazzarella sont interpellés pour association mafieuse, vol et extorsion. Le clan exigeait un pizzo aux commerçants d'un marché dans le centre de Naples, La Maddalena. Si les «commerces napolitains» étaient taxé à 50 euros par semaine, les «étrangers» l'étaient à hauteur de 100 euros selon les déclarations d'un repenti le 13 septembre 2013. Le référent du clan au marché était Franco Rinaldi «o' Pascià». Outre les paiements, Rinaldi collectait aussi des biens/vêtements contrefaits pour un total de 13 000 euros par semaine. 
La lutte entre clans Rinaldi et Mazzarella et la balkanisation de Focella en de multiples entités criminelles va mener à un chaos complet qui va résulter à ne fusillade sur un marché de Duchesca qui fait 4 blessés dont une enfant de 10 ans. Les 3 autres blessés sont des sénégalais (36, 38 et 32 ans). Cette zone est notamment un lieu de vie de la communauté africaine (sénégalaise principalement) mais aussi de la communauté chinoise. Les deux communautés ont d'ailleurs établis une ligne de démarcation claire entre eux.
La police soupçonne la mafia nigériane mais aussi la Camorra sur fonds d'extorsion de commerçants.
Ce marché est le royaume de la contrefaçon, un réseau criminel mettant en lien camorristes, sénégalais et nord-africains. 
Quelques jours auparavant, des vendeurs ambulant avaient été menacés et attaqués après avoir refusé de payer le pizzo.
D'autres disent que l'expansion criminelle des dealers marocains n'est pas bien vu par les camorristes et par la mafia nigériane. 
Le 13 janvier, la police interpelle les auteurs des faits, il s'agit de 4 hommes du clan Mazzarella. Gennaro Cozzolino, 39 ans, Valerio Lambiase, 28 ans, Luciano Rippa, 33 ans et Gennaro Vicedomine, 25 ans. Cozzolino est celui qui a tiré sur les victimes et Lambiase était lui armé d'une batte de baseball. Il est le frère de Gianmarco Lambiase, tué le 1er mars 2015 lors d'une querelle entre Mazzarella et Giugliano-Sibillo. Rippa et Vicedomine sont eux ce qu'on appelle des «navigante», lié aux clans ils sont là pour identifier les acheteurs et faire du commerce. Pour cela ils touchent un pourcentage du prix de vente des produits mais sont également contraints de payer le pizzo d'environ 30 euros par semaine. Sur le marché de la Maddalena, ils sont au moins 50 à jouer ce rôle, les deux hommes ont été repérés par des caméras de vidéo-surveillance où on voit notamment Rippa muni d'une barre de fer. 
Les camorristes ont demandé aux navigante de leur donner un coup de main pour donner une leçon aux vendeurs sénégalais refusant de payer le pizzo. En échange, ils n'auraient pas à payer leur «cotisation» de la semaine. Ils ont racontés aux policiers avoir été forcé d'exécuter cette basse besogne. Devant le refus de paiement, la brimade a tourné en fusillade dans des circonstances qui reste à éclaircir.
Quelques jours plus tôt, on aurait vu certains chinois dans de grosses berlines de luxe venu prendre contact avec les Mazzarella. Une sorte d'accord entre les 2 mafias pour travailler sans être dérangé. 
En lien plus ou moins directe avec cette fusillade, la Guardia di Finanza de Gênes va démantelé en 2019 une «holding du faux» gérée par des sénégalais. Produits dans des ateliers clandestins à Gênes et à Brescia, les (faux) vêtements de marque alimentaient les vendeurs à la sauvette, mais aussi les boutiques et les centres commerciaux, en Lombardie, Piémont, Campanie et Émilie-Romagne. Plus de 100 perquisitions ont été effectuées et plus de 70 personnes, quasiment toutes d’origines sénégalaise mais aussi chinoise, ont été inculpées. Deux millions de vêtements contrefaits ont été saisis. 
Le chiffre d’affaires des faussaires en Italie est estimé à plus de 135 millions d’euros et la fraude fiscale à près de 50 millions d’euros. La perte en emplois est également estimée à 700.  (Repubblica – Crimorg)

Le marché de la Duschesca  (Eventi Napoli et Napolitan.it)Le marché de la Duschesca  (Eventi Napoli et Napolitan.it)

Le marché de la Duschesca (Eventi Napoli et Napolitan.it)

«Plastiques contre chiffons»

Mais une des affaires les plus énormes illustrant bien la coopération mercantile entre la Chine et la Campanie, c'est le trafic de «plastiques et chiffons» de Prato à Hong Kong découvert en avril 2017. A la base, un "double intérêt": en Chine il y a un manque de matières premières et les Chinois les recherchent en payant leur poids en or. En Italie, il y a des plastiques, mais ils doivent être éliminés et, comme chacun sait, cela coûte cher aux entreprises.
Les clan camorriste des Fabbrocino, (du clan des Casalesi) et des Ascione, l'ont compris avant les autres. 
On retrouve Vincenzo et Ciro Ascione père et fils, condamné pour le meurtre de Ciro Cozzolino, puis acquitté en appel mais fugitif à Tunis. 
Cette affaire comprend les représentants légaux de «Eurotrading International srl» qui, de temps à autre, remettait les déchets demandés aux intermédiaires italiens pour une exportation ultérieure.
L'opération consistait à prendre les matières plastiques qui devaient être éliminées en Italie et à les vendre en Chine avec la classification «Mps» (deuxième matière première, ou «non-déchet»). De cette façon, les Italiens gagnaient de l'argent sur la vente et en même temps n'avaient pas à assumer la charge de «l'élimination» du dit déchet, tandis que les Chinois pouvaient ainsi acheter la matière plastique qui pouvait être réutilisée comme neuve en payant beaucoup moins qu'une matière première. En Chine, ces plastiques sont souvent utilisés pour fabriquer des jouets qui sont ensuite exportés et revendus en...Europe.
Des centaines de conteneurs remplis de déchets plastiques ont transité depuis 2009 de divers ports italiens de Livourne, Gênes et Venise.
Pour chaque port, "Arcobaleno Srl" (société qui s'occupait des expéditions) a conclu des contrats avec des entreprises locales qui ont ensuite effectué la véritable expédition vers le port de Hong Kong.
Le chinois, Bao «Massimo» Zhengwu est considéré comme le promoteur de l'association criminelle «transnationale». Selon les enquêteurs, travaillant à Prato, il entretenait des relations avec Benson Chang, lié à la société "Shanghai Juzu Corporation development co. Ltd" qui recevait les envois à Hong Kong. Il y a des centaines d'expéditions, avec une moyenne de deux par semaine.
Luigi Giugliano, devenu coopérateur de justice, était chargé de trouver les documents à envoyer en Chine.
Le comptable, Alessandro Maltinti, professionnel bien connu de Prato, aurait collaboré à l'opération en créant, avec Luigi Giugliano et Sabato Manzo, des dizaines d'entreprises avec des bureaux dans différentes villes et des prête-noms, utilisées pour les différentes expéditions vers la Chine. 
Arcobaleno srl était une de ses sociétés fictives appartenant à un autre suspect, Alberto Gherardini , avec siège social à Bibbiena (Arezzo).
On retrouvait aussi deux frères de Ciro Cozzolino, Franco et Nicola qui géraient un entrepôt à Prato. Ils sont également connus pour leurs investissements dans d'autres sociétés d'importance nationale, et dans l'équipe de football locale de l'ASD Prato, soumise depuis 2012 à des saisies d'actifs en lien avec une opération contre le clan camorriste des Terracciano. (Agi.it)

Mexique nouvel eldorado ?

Beaucoup de destins funestes sont liés à ce trafic international de conglomérats quasi étatiques. Le système se fout bien de la couleur de peau et des origines des pauvres bougres écrasés par la presse hydraulique de la contrefaçon. Comme une véritable machine à faire des saucisses, le quidam se retrouve broyé par la doctrine du vite fait mal fait. 
Le 31 janvier 2018, Raffaele Russo, 60 ans, son fils Antonio Russo, 25 ans, et son neveu Vincenzo Cimmino, 29 ans, sont vus pour la dernière fois dans l'état de Jalisco au Mexique. Les 3 napolitains exerçant la profession de «vendeur ambulant» de générateurs électriques chinois auraient été enlevés par des policiers. Les autorités mexicaines ont engagé des poursuites pénales contre quatre policiers pour la disparition de trois ressortissants italiens à Tecalitlán. Les quatre agents ont avoué avoir arrêté et livré les trois hommes au cartel Jalisco Nueva Generación, qui contrôle cette ville, pour l’équivalent de 43 euros. 
Par un hasard pas du tout fortuit le 4 novembre de la même année, un napolitain est retrouvé mort dans une voiture avec une blessure à l'abdomen à Tepechitlan dans l'état de Zacatecas. Alessandro De Fabbio, 32 ans, surnommé «Poppe» était lui aussi un «vendeur ambulant» de matériel de bricolages et de générateur électriques au Mexique. Le même métier que ses 3 compatriotes, portés disparus dans l'état de Jalisco.
Le 3 avril 2019, Salvatore De Stefano, 35 ans, encore un napolitain est abattu dans le restaurant Bella Donna  à Mexico. Le tueur serait un autre napolitain qui aurait hurler des jurons avant d'appuyer sur la gâchette. La police locale pense qu'il pourrait s'agir d'une vengeance dû à une arnaque après la vente de matériel chinois qu'il aurait fait passer pour de la marchandise allemande. 
Le même matériel à chaque fois probablement dû au même réseau.

3 drames humains de petites mains du trafic tombés sur l'autel en toc de l’ersatz, du faux, du plagiat et de la fraude. Ces vies ne sont-elles aussi que des copies ?

«L'avantage de la laideur morale, c'est qu'il n'en existe point de contrefaçon.» Jean Rostand

 

 

Sources : Repubblica; Il Mattino ; Crimorg/com ; L'oBs ; Europe 1 ; Agi.it

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