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Blog à part

Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


La Camorra en Espagne partie 5

Publié par Desmoulins sur 15 Mars 2019, 17:23pm

Catégories : #Camorra, #Gomorra, #Mafia, #Italie, #Espagne, #Colombie

La partie précédente j'avais un peu délaissé le cœur du sujet qu'était le réseau Imperiale-Cerrone, principaux partenaires et narco-broker de nos espagnols des Amato-Pagano.
Dans cette partie-ci je vais tacher de présenter un autre membre important de l'organisation. David Charles Mirone.

Quel est donc le rôle de David Charles Mirone ?
Ce personnage est un des plus mystérieux du réseau. Né à Rome le 20 décembre 1972, il est avec Attilio Repetti le seul non natif de Campanie mais là où Attilio a des références dans le milieu, David semble être un parfait inconnu pour les autorités. Avant l'enquête de 2014, on ne sait pas quel a été son parcours ni ses liens véritables avec Raffaele Imperiale et Mario Cerrone.
En fait la première fois que les enquêteurs pensent commencer à comprendre son rôle dans l'organisation c'est lors d'un interrogatoire de Carmine Cerrato (un cousin de la femme de Carmine Pagano et rouage important du clan) en 2010, qui fait mention de la présence de ce suspect lors d'une réunion en Hollande avec Imperiale et Cerrone juste avant le déclenchement de la faide de Scampia en 2004.

David Charles Mirone (il Gazzettino vesuviano)

David Charles Mirone (il Gazzettino vesuviano)

«Je me souviens qu'à une occasion, lors d'une réunion dans une maison près d'Amsterdam qui avait été louée par un plus gros bonnet encore que Lellucio O'Parente (Raffaele Imperiale), un type surnommé «O'Biondo», il y avait aussi Raffaele Amato, Lelluccio, Raffaele Scarpa, un autre gros narcotrafiquant employé par Lelluccio et moi et je me sentais à ma place. C'est la première fois que je voyais ce grand personnage qu'on appelait «O'Biondo», que je serais capable de reconnaître, je me souviens qu'il a parlé en italien avec un accent du nord, mais il connaissait parfaitement l'anglais et il connaissait l'espagnol. On pouvait voir que Lelluccio était très proche de lui, Amato avait moins confiance en lui que Lelluccio. Je me rappelle, avant cette réunion, Raffaele avait dit, à Lucio Carriola et à moi qu'il voulait que nous nous entraînions à l'utilisation du fusil de sniper avec des amis de Lelluccio, en particulier des hommes qui travaillaient pour ce O'Biondo et ils tiraient avec des fusils de tireur d’élite. Effectivement O'Biondo et son propre groupe de trafiquants de drogue, était, je le répète à un niveau plus élevé que Lelluccio, il avait un groupe de tueurs et je sais qu'Amato voulait faire appel à lui afin d'utiliser l'un de ses assassins pour tuer les Di Lauro. 

En fait, le «Biondo» n'a juste fait qu'un renvoi d'ascenseur envers Amato comme celui-ci avait mis à sa disposition Lucio Carriola, un de ses tueurs, pour assassiner un adversaire de ce Blond. Comme je l'ai dit Carriola a commis ce meurtre aux Pays-Bas. le tueur du O'Biondo n'est jamais descendu à Naples pour tuer l'un des Di Lauro, je ne sais pas qui, parce qu'il a été arrêté. En Espagne quand il était censé être utilisé, son arrestation coïncide avec la première capture d'Amato en février 2005».
Lors d'un autre interrogatoire du 27 mai 2014, le Cerrato, en visionnant la photo de
Mirone, s’exprima alors dans les termes suivants:
«C'est peut être lui le «O'Biondo» que j'ai rencontré en Hollande». (source casadellalegalita.info)

Carmine "Taekwondo" Cerrato, un des repenti du clan Amato-Pagano (La Repubblica)

Carmine "Taekwondo" Cerrato, un des repenti du clan Amato-Pagano (La Repubblica)

Mirone serait donc possiblement ce «Biondo» mais les juges d'instructions italiens ne sont pas sûrs de ça. Déjà Cerrato dit ne pas reconnaître formellement Mirone comme "O Biondo" mais en plus selon les enquêteurs ce dernier n'était certainement pas à un niveau plus élevé qu'Imperiale. Qui plus est on apprendra plus tard grâce à des écoutes que Mirone n'avait pas du tout ce genre de rôle au sein de l'organisation. 
Sans doute Cerrato a surestimé le vrai rôle de Mirone ou alors il le confond avec un autre narco-broker ? Est-ce qu'il aurait pu s'agir de Rick van der Bunt, le hollandais qui est lui aussi surnommé «Le Blond» ? On sait qu'il avait des contacts en Italie mais sans doute pas suffisamment pour en avoir «l'accent du nord». Et pour avoir vu les deux photos des protagonistes, difficile de les confondre à mon avis. Ce Biondo aurait pu être Pasquale Claudio Locatelli (voir épisodes précédents). Natif de Bergame et totalement bilingue espagnol il n'est par contre pas forcément très blond, plutôt "poivre et sel". Il y a bien un narco de Campanie qui est bien blond et c'est même son surnom Sergio Paolo Fattorusso aka "O'Biondo" de Boscoreale mais rien n'indique qu'il a collaboré avec Raffaele. Il a été arrêté en 2014 avec son commerce de plantes exotiques dans lesquelles il planquait la cocaïne fournie par les FARC. Bref C'est en tout cas en tentant d'identifier ce Biondo que les enquêteurs vont s'intéresser à Mirone.

Une époque de règlements de comptes entre gros bonnets

Quand à savoir à savoir quel est l'adversaire d'O'Biondo qui a été éliminé par Luca Carriola, c'est très compliqué de le savoir surtout sans une date. L'époque des 2000's aux Pays-Bas est violente et chaotique, ça tire dans tous les sens. La Sacra Corona Unita des Pouilles notamment via son capo Filippo Cerfeda va s'y distinguer avec plusieurs assassinats. C'est aussi l'époque des règlements de comptes entre gros caïds. Toutes les différents bandes, issues de l'effondrement de l'Empire de Klaas Bruinsma après son assassinat en 1991 vont s'y mettre. Entre ces ex affidés, le Groupe Delta de Mink Kok, les Penseurs, "Spin et Span" (Sam Klepper et John Mieremet), et leurs associés, la Joegomaffia (mafia yougoslave), les Turcs, les Akasha ect... tous ces "anciens collègues " se tirent dans les pattes. 
Probable que là aussi le meurtre n'a jamais vraiment eu lieu. Un des repentis Biagio Esposito, parle lui d'un complot pour faire éliminer en 2010 le trafiquant napolitain Carmine D'Ario en Espagne, ce qui ne se fera d'ailleurs pas, là non plus.

Mirone lui en tout cas commence à être surveillé de près mais le bougre à l'instar de ses camarades est très méfiant et n'utilise que de la téléphonie cryptée (VPN). On met donc sur écoute sa compagne, Vanusa Canofe. En mai 2013, bingo, une conversation courte est enregistrée. On y entend un Mirone qui se plaint à sa compagne de l'avoir contacté. Cette dernière s'inquiétait du fait qu'il ne lui avait pas parlé depuis 3 semaines. La ligne semble donc bien être celle de David.

Sergio le "O'Biondo" de Boscoreale (Cronache della Campania)

Sergio le "O'Biondo" de Boscoreale (Cronache della Campania)

A l'été 2014 c'est avec son frère qu'il communique après que ce dernier ait failli à crypter la conversation. Un gros souci aurait mis à mal le réseau. Et c'est même une grosse tuile qui est arrivé car ce 12 juillet 2014, sur demande des autorités espagnoles, Raffaele Imperiale est interpellé à Dubaï.
Dès lors c'est une autre chaîne de commandement qui se met en place et c'est Mirone qui se charge de prévenir le réseau. Se trouvant à Dubaï, il tente de contacter Mario Cerrone, l'autre boss et pour se faire il contacte donc son frère Francesco Mirone. Les enquêteurs ont d'abord pu entendre une conversation étrange où il donne des consignes à son frère pour coder la conversation. 


«Tu vois la clé rouge ? Là à droite, le «cadenas»
- Oui
Tu peux presser le bouton
- C'est bon
Ok attends maintenant...je te rappelle attends !
»


Il aura fallu 2 autres appels pour expliquer le processus qui visiblement n'a pas marché du premier coup.
Au 4ème appel se croyant à l'abri des oreilles indiscrètes, David Charles se met à parler : «il y a eu un problème ici..... ils ont été jusqu'à mon frère ici.... et toi tu es le seul qui sait où est l'autre frère, la ligne est coupée».
Au 6ème appel on apprend que Francesco n'arrive pas à joindre Mario. David demande si un certain Gennaro a pu être contacté, là encore réponse négative de Francesco. Ce dernier ajoute qu'il a eu affaire à deux autres types qui visiblement ne l'ont pas cru mais qu'ils feraient leur possible pour une réunion téléphonique à 5h00 du matin.

«Tu leur as dis que tu étais mon frère ?» - Oui ! «ils ne me connaissent pas ? - Non ! Non ?! Mais putain qui c'était ?»


Il contacte ensuite la belle-mère d'Imperiale, Antonietta Iannarilli qui semble être déjà au courant. Elle-même a tenté de contacter Mario mais ça ne répond pas.
Après plusieurs autres appels informels, Francesco annonce à David que Mario est en Calabre. (source casadellalegalita.info p.49-50-51-52-53-54-55)

Ce que nous apprennent ces appels c'est que l’organisation est opaque  même pour des gens au plus haut dans la hiérarchie comme Mirone. Qu'il existe une barrière de protection entre les différents décideurs. On ne se parle pas directement et on a des intermédiaires. On appellerait ça des pare-feux en informatique.  La preuve avec ces proches de Cerrone qui ne semblait pas connaître David. On remarque aussi encore l'implication importante d'Anna Iannarilli qui comme les frères Mirone semble connaître parfaitement la situation et qui contacter.
Dans le dossier d'accusation c'est à ce moment là que j'apprends qu'Antonietta est en fait la mère des frères Mirone et comme elle semble être la belle-mère de Raffaele Imperiale et bien Davide et Raffaele sont beaux-frères. Le voilà le lien.
Par ailleurs dans d'autres conversations en janvier 2014 Anna va faire part à Francesco Mirone que David n'est pas rétribué comme il le mérite alors qu'il bosse depuis plus de 15 ans "pour eux" (comprenez Imperiale-Cerrone). Il y a pour elle une vraie disproportion de rémunération entre le fiston et les deux autres.  


«Ton frère traverse un moment difficile, j'aimerais être avec lui (…) c'est embêtant avec Lello aussi (…) lui et Mario ressemble à deux milliardaires et David est au milieu... tu as vu ce qu'ils ont non ? Mais je ne veux pas me mettre au milieu de tout ça».


D'ailleurs que ce soit dans des conversations ou dans les confessions de repenti, tous s'accordent à dire qu'Imperiale est un flambeur. Carmine Cerrato (un homonyme plus âgé du premier surnommé «Taekwondo») raconte une anecdote qu'il aurait entendu de la bouche d'Imperiale lui-même en août 2006 à Marbella. Il se vantait d'avoir à Dubaï conduit (ou fait une course) de bolides avec une Ferrari et avec un autre membre du réseau conduisant une Lamborghini, ça a fini par un accident qui a détruit les deux voitures et selon Cerrato, également «tué un homme». Il ajoute «Je ne sais pas s'ils ont eu des poursuites pénales après ça mais il avait l'air d'en avoir rien à foutre d'avoir foutu en l'air deux bagnoles vu tout le pognon qu'il avait». Cerrato ajoute que lors d'une réunion à Marbella à l'été 2006 dans une villa louée par Cesare Pagano, Imperiale aurait proposé des placements financiers aux Emirats pour ses associés. (source casadellalegalita.info p.18) En effet depuis son installation au Moyen-Orient Leluccio a créé une société immobilière "AA Investments" pour laquelle il semble sans cesse en recherche d'investisseurs.

Quand on sait s'en servir le Blackberry est efficace (Sud-Ouest)

Quand on sait s'en servir le Blackberry est efficace (Sud-Ouest)

Mirone est au service du réseau depuis un bout de temps on le sait et les écoutes le confirment. Il en était déjà quand le 26 octobre 2002, il est vu et contrôlé en compagnie de Raffaele Imperiale, Mario Cerrone et Massimo Ciampa à l'aéroport de Malpensa à Milan.
Selon les enquêtes, David est régulièrement vu avec Imperiale à différents endroits en Italie.
Encore plus important, on le voit aussi au Pérou en octobre 2012, il est sur les photos de la DEA avec Aprea et Miguel Brando Penarada Diaz. Il est sans doute très présent aussi dans tous les investissements que fait Imperiale à Dubaï et dont ce dernier se vantait auprès de ses camarades Amato et Pagano lors de la réunion à Marbella d'août 2006.

Évidemment la grosse info, c'est cette arrestation de Raffaele Imperiale à Dubaï en juillet 2014. L'embêtant c'est qu'on retrouve pas grand chose sur cette histoire. Tout s'est fait dans le feutré.  Elle est en tout cas mentionné dans le dossier d'accusation d'octobre 2014 (source casadellalegalita.info). Elle est mentionné aussi dans un article du média espagnol ABC, qui raconte que l'arrestation est en lien avec l'opération Tarantela qui a visé les activités de 3 clans camorristes installés en Espagne.
Après 2 ans et demi d’enquête, il a fallu le concours de la police espagnole et de la Guardia Civil, assistées des autorités italiennes, de la DEA, de la police néerlandaise et de l’OCRTIS français. 14 perquisitions menées et 32 personnes interpellées en Espagne (surtout des italiens, mais aussi des colombiens et des espagnols) et 4 en Italie. Les camorristes (des clans Aprea et Norelli principalement mais aussi des Gionta-Cavalieri) présents en Espagne faisaient le lien entre les fournisseurs colombiens de cocaïne via les ports espagnols d'Algesiras (Andalousie) et Tarragone (Catalogne) et les clans napolitains. En retour, ils étaient chargés de blanchir l’argent du trafic, notamment dans l’immobilier et la restauration. Les inculpations sont : trafic de stupéfiants, blanchiment, extorsion, menaces et faux documents. 1.130.000 euros en liquide et 40 immeubles évalués à 8 millions d’euros ont été confisqués. Au cours de l’enquête commencée en novembre 2011, 2,8 tonnes de cocaïne ont été saisies.
L'article déclare que le boss du réseau a été arrêté sur demande du magistrat Fernando Andreu, le même qui avait fait arrêté le boss du clan de Tbilissi (mafia russophone) Zakhary Kalashov déjà à Dubaï, en 2006. Et le boss du réseau s'avère donc bien être Raffaele Imperiale.

Opération Tarantela (L'Espresso ; ABC.es)Opération Tarantela (L'Espresso ; ABC.es)

Opération Tarantela (L'Espresso ; ABC.es)

Raffaele est pourtant bien resté à Dubaï et n'a jamais été extradé. Sans doute a-t-il été placé en détention provisoire. A savoir qu'à Dubaï la détention provisoire c'est au maximum 40 jours. Il a donc pu être libéré après ce délai. Les Émirats ont parfois des couacs avec ce genre d'affaire. Notons par exemple l'arrestation en 2018 de Nadir Salifov, un vor v zakone azéri recherché en Russie et bien il est sorti le lendemain et les Émirats n'avaient même pas informé la Russie de l'interpellation  du caïd alors qu'il était recherché. 
Dans le cas de Lello O'Parente, il s'agit en fait surtout de vices de procédure. Les documents fournis  par les autorités espagnoles n'ont pas été suffisants ou incomplets (là encore on a déjà vu ce cas avec Robert Dawes le trafiquant anglais). La procédure d'extradition a donc été bloquée.
Mais en tout cas c'est bien à partir de ce moment là que l'on va interroger plusieurs repentis afin qu'ils déballent tout ce qu'ils savent sur le réseau Imperiale-Cerrone. 
Biagio Esposito, les deux Carmine Cerrato (un de 76 le cousin par alliance de Carmine Pagano et l'autre de 71), Giovanni Illiano, Antonio Leonardi, Alessandro Montella et Pasquale Riccio seront les principaux collaborateurs de justice qui seront cités.
On va leur soumettre des photos, leur demander leurs liens avec le réseau. Tout va être décortiqué pour constituer le fameux dossier de 210 pages de mise en accusation d'octobre 2014 rédigé notamment par le juge d'instruction Mario Morra.

Un des premiers gros coups d'arrêt du réseau 

Il s'agit là d'une des enquêtes annexes découlant de l'arrestation d'un des hommes clés du réseau Vincenzo Scarpa. En juin 2014, «il Dottore» Scarpa est condamné à 20 ans de prison pour trafic de drogue international. Lui on l'avait un peu perdu de vu et pour cause.
Il a été le bras droit de Raffaele Amato on le sait. Il était présent avec lui lors de la première venue du boss à Barcelone et lors de son arrestation en 2005 on le sait aussi. 
Ce qu'on sait moins c'est que Scarpa est un des spécialistes de la came au sein de l'organisation, il trafique déjà avec le concours de Finazzo Franca, fille d'un cousin du boss des Gionta, Valentino. Scarpa bossait aussi pour les Tamarisco et le couple Carmela Viglio et Andrea Cipriano. Ce réseau trafiquait surtout l'héroïne et avait réalisé d'énormes investissements, grâce au blanchiment, au Maghreb et en Espagne. Ce que l'on a pas su tout de suite par contre c'est qu'à la Pâques 2012, le Gico (groupe d'enquête sur le crime organisé) s'empare de soixante kilos de «coca» pure, dissimulée dans de la mayonnaise à bord d'un camion immatriculé auprès d'une entreprise de transport de Salerne. Un stock d'une valeur de six millions d'euros.

A la tête du réseau se trouve Vincenzo, son frère Domenico (tous deux fils du feu boss Natale tué par le clan Gionta en 2006) et leur neveu Francesco.
Les enquêtes permettent d'identifier immédiatement les destinataires de la drogue: les clans Gallo-Cavalieri et Annunziata de Torre Annunziata, mais également les Falanga de Torre del Greco et les Licciardi de Secondigliano.
L'opération s'est déclenché grâce aux révélations d'un repentant, Alessandro Montella (encore lui). Pour l'anti-mafia de Naples, il s'agit d'un type "fiable", car jusqu'en 2008 (l'année de son arrestation) il «avait directement pris en charge, par l'intermédiaire d'une de ses entreprises de camionnage, l'introduction en Italie de plusieurs tonnes de drogues pour le compte des principaux gangs actifs sur le territoire de Torre Annunziata et des patelins voisins. Grâce également à Montella, l’Anti-mafia établi les chiffres et les routes du réseau.
En moins d'une journée, 34 personnes sont arrêtées. Vincenzo est interpellé à l'aéroport de Fiumicino alors qu'il tentait, avec une fausse carte d' identité, de s'embarquer pour Madrid avec dans sa valise, 12 500 euros en espèces. En 2015, Scarpa est condamné en appel à 17 ans. 

Vincenzo "il Dottore" Scarpa (il Gazzettino vesuviano)

Vincenzo "il Dottore" Scarpa (il Gazzettino vesuviano)

En mai 2014, une grosse saisie de deux millions d'actifs appartenant à Vincenzo Scarpa et ses affidés est effectué par la Guardia di Finanza à Naples, Boscotrecase et Torre Annunziata, 7 appartements à Boscotrecase entre Torre Annunziata, deux entreprises, les comptes bancaires et les véhicules, tous attribuables à des membres de clan camorristes du Vesuvio.
En décembre, un autre réseau lié à Scarpa, qui en un an (d'avril 2011 à mai 2012) avait transporté en Italie environ 1500 kg de cocaïne en provenance d'Espagne et des Pays-Bas a été démantelé après l'arrestation de 15 personnes. La drogue était transféré en Italie à bord de véhicules où il a été caché dans des doubles fonds se trouvant dans des camionnettes ou des remorques. Ces véhicules transportait toute sorte de marchandises pour se couvrir, des fleurs aux fruits secs.
Fin octobre, un autre réseau de trafic de cocaïne et de cannabis, importés par des camions de transport international (TIR) est démantelé. La drogue était notamment cachée dans les réservoirs d'essence qui disposaient d'un système de vases communicants actionné électroniquement en cas de contrôle. Le réseau était géré par les clans Contini, Nuvoletta et Gionta. 39 personnes ont été arrêtées et 468 kg de résine de cannabis, 63 kg de cocaïne et 54 kg de marijuana ont été saisis. Des biens estimés à 30 millions d'euros ont également été confisqués. Début novembre un des derniers dirigeants du réseau visé par l'opération Tarantela, Giuseppe Cirillo, est arrêté en Allemagne.

On découvre donc que c'est Scarpa l'homme clé entre Imperiale et les Gionta-Cavalieri et leurs investissements à Madrid. C'est par lui que les Gionta avait accès à la drogue et en retour Imperiale et Cerrone se prenait un pourcentage sur le blanchiment opéré par Attilio Reppetti.
On voit aussi que des membres de l’organisation sont eux-même des boss de réseau pour leur propre compte (avec on imagine un pourcentage accordé à Imperiale et Cerrone. On entrevoit donc un système pyramidal se dessiner mais aussi une système de rémunération très ACN (comprendra qui pourra). A l'instar d'Aprea et Russo, Scarpa n'est pas à proprement parlé un affilié des Amato-Pagano, il travaille surtout pour Raffaele Imperiale et pour son propre compte.

Giuseppe Cirillo (Il Mattino)

Giuseppe Cirillo (Il Mattino)

Il va s'agir à présent de faire une légère digression (non exhaustive) sur la Colombie, principal pays pourvoyeur de cocaïne et où les grandes heures des Cartels sont révolues. Toutes ces grosses organisations ont éclatées, et voient même la concurrence des organisations paramilitaires des Farc et des AUC (Autodéfenses Unies de Colombie) très actives dans le trafic de drogue pour auto-financer la lutte mais aussi des cartels mexicains de plus en plus omnipotents. Il est important de comprendre les tenants et aboutissants aussi dans ce pays, membre important de l'axe du trafic de cocaïne.

En octobre 2013, sous l’égide d’Ameripol (Association des polices de 19 pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, plus les États-Unis), les polices de Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Panama et Pérou  publient une étude commune sur le trafic de drogues dans leur pays mais aussi en direction de l’Europe.
Ameripol identifie ainsi 3 routes principales du trafic de cocaïne vers l’Europe :
– la route septentrionale (la principale avec 40% de la cocaïne) : Amérique du Sud – Caraïbes – Portugal+Espagne
– la route centrale : Amérique du Sud – Cap Vert – Canaries – Europe
– la route africaine : Amérique du Sud – Afrique de l’Ouest – Espagne
… et 2 nouvelles routes :
– la route du Canal de Suez : Amérique du Sud – Afrique du Sud – Canal de Suez – Roumanie
– la route des Balkans : Amérique du Sud – Turquie – Bulgarie – Roumanie – Italie. (Crimorg.com)

À l'aube des années 2010, c'est plus d'une trentaine de structures criminelles (en comptant les para-militaires) qui officient en Colombie depuis l'implosion des Cartels. La pression mise par les autorités avec l'appui financier et logistique de la DEA met grandement à mal les trafiquants locaux qui ont perdu de leur «superbe». Nombreux sont les boss arrêtés, extradés et jugés aux USA.

Quelques organisations se distinguent tout de même.
En premier lieu le gang «Oficina de Envigado» et son chef Diego «Don Berna» Murillo, arrêté et extradé aux USA et son principal lieutenant en fuite en Argentine. A l'aube des années 2010, il se partagerait entre 3 leaders et la lutte interne va faire plusieurs dizaines de morts. 
Avec les «Los Urabenos» des frères Usuga ce sont les deux bandes émergentes de Medellin. La bande est composée d’anciens membres du Bloc «Elmer Cardenas» des paramilitaires d'extrême droite des AUC et pourtant un des frères Usuga est un ex de l'EPL (Armée Populaire de Libération, d'inspiration maoïste) allez comprendre.

Parmi ces «bandes émergentes» : les principaux chefs sont Daniel Rendon Herrera («Don Mario»), Pedro Guerrero («Cuchillo») et Daniel «El Loco» Barrera, plus ou moins alliés contre la répression des forces de l’ordre. Barrera a une relation historique avec «John 40», un des dirigeants des FARC ; «Cuchillo», lui, se fournit en cocaïne auprès des FARC à Vichada et Meta ; «Don Mario» a fait un pacte avec le «Front 57» toujours des FARC qui avec les «Fronts» 16, 43 sont les plus impliqués dans le trafic. En 2012 le Ministre colombien de la Défense déclare que les revenus tirés du trafic de cocaïne rapportaient chaque année entre 1,8 et 2,7 milliards d’euros aux FARC. La guérilla serait ainsi liée à l’exportation de 200 tonnes de cocaïne par an.

Un autre clan a tisé son épingle du jeu avant son démantèlement en 2012, celui des «Los Galeano», hérité de Carlos Lehder Rivas, un des fondateurs du cartel de Medellin, qui avait été lié au Cartel de Sinaloa.
Citons aussi les Rastrojos, alliés aux FARC eux aussi ou encore Las Aguilas Negras. 
Le Cartel del Norte del Valle est toujours présent lui aussi, mais se trouve dans le creux de la vague après l'assassinat de son boss Wilber Varela en 2008 au Venezuela. Il est depuis éclaté entre 3 principaux boss : Luis Enrique Calle Serna («Comba»), Diego Pérez Henao («Diego Rastrojo») et Ramón Quintero Sanclemente. 

Daniel Barrera Barrera (Las2orillas)

Daniel Barrera Barrera (Las2orillas)

Tous ces bouleversements et l'éclatement des Cartels a clairement affaibli le «milieu narco colombien». Les autorités colombiennes pensent que le centre de gravité du narcotrafic se trouve même désormais au Mexique. Les narcotrafiquants colombiens sont soit subordonnés (en tant que fournisseurs), soit associés aux mexicains à qui ils délaissent d'ailleurs le marché nord-américain. Les narcos colombiens subissent désormais la concurrence des péruviens et des boliviens, la Colombie ne produisant actuellement que 54% de la cocaïne sud-américaine. Cet état perdure encore aujourd'hui. Les mexicains ont réinjecté de l'argent dans les réseaux colombiens après avoir fait place nette au Pérou où ils ont plus ou moins chassé les colombiens lors d'une guerre sanglante à l'orée des années 2010. Il se sont installés tout le long de la côte Pacifique et Atlantique de Guayaquil et Baranquilla, développés des réseaux de blanchiment et surtout ce sont eux qui ont commencé à implanter des champs de coca en Amérique Centrale, élargissant ainsi le panel de l'offre en cocaïne dont la production n'a jamais été aussi florissante. Les organisations sud-américaines n'hésitent pas en lieu de paiement à accepter en échange d'autres drogues. Par exemple les organisations hollandaises et belges (les principaux pays producteurs de drogues synthétiques en Europe) utilisent parfois ce moyen pour régler les factures avec de l'ecstasy échangée contre de la cocaïne.

D'ailleurs un des pionniers dans l'échange drogue contre drogue avec les cartels colombiens était l'italien Gaetano «Don Tano» Fidanzati, un boss historique de Cosa Nostra, parrain du quartier de l’Arenella à Palerme. «Don Tano» qui a été impliqué dans la disparition (et le meurtre) du journaliste Mauro De Mauro en 1970. En février 1990, le parrain est arrêté en Argentine et condamné sur place à 3 ans de prison pour faux papiers. Il est finalement extradé vers l’Italie en avril 1993. Fidanzati est sorti de prison en 2006. Dans les années 80, le Boss avait ses habitudes en France où il aurait investi. En 1981 et 1989, «Don Tano» aurait participé à Nice à des réunions mafieuses avec d’autres organisations criminelles. Il était soupçonné d’être au coeur de la réorganisation de la Cosa Nostra à Palerme et a échappé à l’opération «Perseo». Il est également impliqué dans le meurtre d’un trafiquant de drogue en 2008, tué pour avoir «manqué de respect» à sa fille. Il a été arrêté à Milan en décembre 2009.
Son fils Guglielmo a été arrêté en avril 2011 dans une affaire de stupéfiants. En mai 2012, il est l’objet d’un mandat d’arrêt pour son rôle dans le braquage d’une bijouterie milanaise en février (5 millions d’euros de butin en bijoux, diamants et or).  Il est mort le 5 octobre 2013 à l'âge de 78 ans dans un hôpital de Milan où il était aux arrêts domiciliaires.

Des diplômés en économie 

Le 7 août 2007, un très gros narco-blanchisseur colombien, Juan Carlos “El Chupeta” Ramirez Abadia, 44 ans, est arrêté à Sao Paulo. Avec ses frères entre 2001 et 2004, ils ont créé en Espagne tout un réseau d'entreprises pour le blanchiment d'argent qui ensuite voyageait via le Mexique pour arriver aux USA. Diplômé en économie, Abadia a grandi sous la protection des frères Rodriguez Orejuela, les boss du cartel de Cali puis il a bossé pour les frères Ivan et Julio Fabio Urdinola Grajales, du Cartel Norte del Valle, une cellule indépendante du Cartel de Cali (des pionniers dans l'importation de cocaïne en Europe de l'Ouest). Considéré comme un homme de bonnes manières mais extrêmement violent, il a pratiquement pris le contrôle de toute la cocaïne vendue à Los Angeles. Puis il répandu sa poudre blanche à travers la ville de New York en éliminant quelques concurrents et même alliés comme le trafiquant russe Vladimir Beigelman dans le Queens en décembre 1993. Son pouvoir est devenu tel que la DEA a offert pour sa capture une récompense de cinq millions de dollars. Le jour de son arrestation, ses demi-frères, Peter García Verano et Jaime Hernando Martínez Verano, étaient avec lui. Selon les autorités colombiennes, Ramírez Abadía aurait réussi à accumuler une fortune évaluée à 1 800 millions de dollars. 
En janvier de cette année 6 «cachettes à cash» souterraines ont été retrouvées. Bilan: 89 millions de dollars saisis (2 millions avaient été dévorés par des charançons). Il y gardait aussi 309 lingots d'or. Il a été trahi par ses opérations financières (il avait créé 16 sociétés au Brésil avec des opérations suspectes) et par l’acquisition de 28 logements à São Paulo, Rio de Janeiro, Minas Gerais, Paraná, Santa Catarina, Cutitiba, Porto Alegre et Rio Grande do Sul.

La concurrence fait bien évidemment rage entre les organisations colombiennes et ça se règle bien souvent dans le sang, à la colombienne. La fin des années 90 début des années 2000 a déjà vu une vingtaine de règlement de comptes entre colombiens (surtout à Madrid). Le 8 janvier 2009, c'est un gros nom du narcotrafic qui tombe, Leonidas "El Viejo" Vargas Vargas, est abattu vers 20h00 dans sa chambre de l’hôpital «12 de Octubre» de Madrid. Il a été tué de 4 balles tirées avec un silencieux. 

Arrêté en juillet 2006 dans un hôtel de Madrid pour une affaire de 500 kg de cocaïne, Vargas avait été remis en liberté surveillée pour des problèmes pulmonaires. Dans les années 80, il est associé à Gonzalo Rodriguez Gacha, surnommé «le Mexicain» et chef militaire du Cartel de Medellin. En 1995, il est condamné à 19 ans de prison pour trafic de stupéfiants et enrichissement illicite et à 26 ans pour homicide. Ce meurtre a sans doute été réalisé par des équipes de tueurs à gages basés en Espagne (deux «bureaux» sont démantelés en 2012 et 2013). Ces officines installées dans le milieu des années 2000 sont la conséquence des mauvaises affaires des narcos colombiens. Ces derniers se faisant régulièrement roulé sur le paiement de la marchandise par leurs "clients" européens. Il a fallu sévir et c'est notamment le gang Officina de Envigado (un des héritiers du cartel de Medellin) qui a procéder à l'installation de ces bureaux de recouvrement de dettes afin de se débarrasser des oursins dans les poches de certains.  Dès lors le gang sera imité par d'autres et Madrid va vite devenir une poudrière. Les années suivantes voient des dizaines de règlements de comptes dans la région, les places sont chères dans les rues comme au Santiago Bernabeu.

Le 14 janvier 2009, c’est Fabio, le frère de Leonidas qui est abattu dans la Vallée du Cauca, avec sa compagne. Pour les autorités colombiennes, ces 3 meurtres sont imputables à la nouvelle génération des narcotrafiquants, Daniel «El Loco» Barrera Barrera et Pedro «Cuchillo» Guerrero en tête. Le fait que le meurtre de Fabio Vargas Vargas et sa compagne ait eu lieu dans la Vallée du Cauca laisse penser que l’exécution a été approuvée par le boss local, Luis Enrique Calle Serna.

Au même moment, Lima est devenue une terre d’affrontement entre les cartels mexicains et colombiens. Des trafiquants colombiens auraient récemment vendu 350 kg de cocaïne coupée à des représentants du Cartel de Sinaloa. L’un des colombiens a été abattu et une fusillade a opposé quelques jours plus tard les mexicains aux colombiens dans le port de Callao, près de Lima. Selon la DEA, les cartels mexicains contrôlent 80% de la drogue exportée du Pérou, les colombiens s’occupant des cultures de coca et du transport et les «firmes» péruviennes de la production. Les mexicains seraient si puissants que certains groupes colombiens ont délaissé le trafic de stupéfiants pour d’autres activités : enlèvements, braquages.

Leonidas Vargas Vargas (Costa del Crime)

Leonidas Vargas Vargas (Costa del Crime)

Revenons à El Loco Barrera. Il est l'associé de Miguel Arroyave le leader du bloc Centauros des FARC. Les deux hommes se sont ensuite associés à Pedro Guerrero et Hector Saldarriaga aka «El Mojarro», qui devient le tueur à gages de l'organisation. Miguel va finalement entré en conflit avec ses associés et il est tué le 19 septembre 2004. Guerrero de son côté va créer l'ERPAC (l’Armée populaire anticommuniste révolutionnaire de Colombie). Barrera et Saldarriaga vont renforcer leur domination avec une stratégie typique des narcos, la corruption des élus locaux et une politique agressive contre les concurrents. 
Après la mort de Cuchillo, tué après un échange de tir avec la police en décembre 2010, la route semblait dégagée pour le duo El Loco-El Mojarro, mais l'inattendu se produit: en raison de désaccords sur le sort d'une cargaison de cocaïne qui devait arriver au Mexique, ils sont entrés en conflit. La première tentative d'El Loco pour se débarrasser de son partenaire a eu lieu en juin 2011 sur un terrain de football à Villavicencio. Six personnes ont perdu la vie dans l'attaque. 
El Mojarro active son plan B: l'Argentine. Depuis 2008 son nom est bien connu là-bas, associé qu'il est au meurtre de deux narcos colombiens, Héctor «Monoteto» Duque et de Jorge Quintero, exécuté dans le parking Shopping Unicenter Mall, à Buenos Aires en juillet 2008. Le commando était d'ailleurs composé de barrabravas de la Doce de Boca Juniors (voir mes articles sur la Doce), des membres de la fameuse «Chocolatada». 

Hector est finalement tué par 4 balles à Buenos Aires le 17 avril 2012 à l'âge de 39 ans. Deux ans plus tard son tueur présumé Jonathan Emmanuel Aristimuno, 25 ans est arrêté et condamné à perpétuité. On pense que le coup a été préparé par le nouveau sicario en chef de Barrera, Carlos «El Pollo» Angulo. A noter que plusieurs autres trafiquants colombiens sont abattus en Argentine entre 2008 et 2016.
Barrera est arrêté en septembre 2012 dans la ville vénézuélienne de San Cristobal. 
Oscar Mauricio Pachon Rozo, dit «Puntilla Pachon» est considéré comme son successeur et sa côte ne fera que grimper jusqu'à son interpellation en février 2016.
A Medellin et à Cali, les trafiquants passent plus de temps à se tirer dessus qu'à dealer. Et c'est sans compter sur la guerre que se livrent aussi les gangs  dans le secteur des exploitants de mines d’émeraudes après le décès de Victor «el Patron» Carranza Nino, considéré comme le «Tsar des Emeraudes» en avril 2013. 85% de la production aurifère est aussi contrôlé par les narcotrafiquants ou paramilitaires.

Les morts s'accumulent. Même les figures ne sont pas épargnées.

Ainsi Griselda Blanco, «la Marraine de la cocaïne», celle qui avait posé les jalons du trafic à New-York et en Floride et surtout la mentor de Pablo Escobar est abattue à Medellin le 4 septembre 2012 à l'âge de 69 ans par un tueur à moto (une méthode qu'elle avait elle-même «inventée» lors de la guerre des narcos à Miami dans les 80's). 
Un autre ponte, Alejandro «Juvenal» Bernal Madrigal, un narco affilié au Cartel de Medellin et de Juarez (Mexique), est tué à la sortie d'un restaurant à Bogota en décembre 2012.

Griselda Blanco (Infobae)

Griselda Blanco (Infobae)

«Los Urabenos» (ou clan Usuga ou Cartel du Golfe) malgré la perte de plusieurs leaders va commencer à sortir du lot. A Cali plusieurs bandes vont s'allier pour les contrer. Mais les Urabenos se sont affiliés au cartel de Sinaloa qui est implanté en Colombie depuis 2012. A Medellin c'est surtout la Oficina de Envigado qui va se distinguer arrivant jusqu'à contrôler 80% des bandes locales mais l'arrestation de leur leader  Juan Carlos Mesa Valleja en décembre 2017 va conduire à une nouvelle guerre interne sanglante. Côté paramilitaires, c'est surtout l'ERPAC voire les AUC (dont une centaine de membres sortent de prison entre 2015 et 2018) qui vont être les partenaires privilégiés des trafiquants européens pour la Colombie. Mais l'instabilité chronique a aussi poussé nombre d'entre eux à aller voir les narcos du Venezuela/Pérou et Bolivie. A partir de 2015 plusieurs chefs narcos sont abattus par l'armée qui met une grosse pression.
Les FARC eux vont entrer dans une phase de pourparlers avec le gouvernement colombien qui abouti à leur démantèlement en août 2016. Plusieurs dizaines de FARC démobilisés vont être assassinés dans les mois qui vont suivre. Plusieurs centaines de dissidents vont cependant continuer la lutte et le trafic de drogue à la frontière avec le Venezuela. Un de leurs chefs Wálter Patricio Arizala aka "Guacho" est abattu en décembre 2018 par l'Armée Colombienne à la frontière avec l'Equateur. Il était le responsable d'une des dissidences des Farc, connue sous le nom de Óliver Sinisterra front.

Réseau de tueurs à gages

Le 16 décembre 2014, dans la banlieue chic de Madrid, le colombien Victor Alonso Mosquera Perez, est interpellé. Surnommé «Palomo» ou «el Negro Mosquera», il était recherché par les USA pour le trafic d'au moins 1 tonne de cocaïne entre 2010 et 2013. Mosquera aurait surtout été envoyé en Espagne par la bande «Los Urabenos» pour renforcer les réseaux de l'organisation en Europe, notamment en Espagne et au Royaume-Uni. Sa présence en Espagne avait été signalée depuis au moins 6 mois. Il devait aussi monter un réseau de tueurs à gages pour assurer la sécurité des filières et sanctionner les traîtres et les mauvais payeurs, une mauvaise habitude qu'on prise pas mal de clients européens.
En juillet 2015, la police colombienne procède à l’arrestation de Marlon Sebastian Molina Vega, surnommé «Mil Caras», objet d’une «notice rouge» de recherche d’Interpol. Ancien membre du «Cartel de Cartagène» puis du «Cartel de la Côte», il était en contact avec la Camorra et la ‘Ndrangheta. «Mil Caras» est recherché par l’Italie pour trafic international de cocaïne. En 2009, il avait été arrêté au Costa Rica puis extradé vers l’Italie. Il s’était évadé en 2014 d’un hôpital psychiatrique de Tivoli (est de Rome) puis avait fuit en Colombie via l’Espagne, la France et l’Allemagne. 

En juin 2018 L’ONU publie son rapport mondial sur les drogues. Concernant la
cocaïne, les plantations de coca sont estimées à 213.000 hectares (+36%, à 69% en Colombie), pour une production de 1.410 tonnes de cocaïne (+25%). 1.129 tonnes (+23%) ont été saisies. Il y aurait 18,2 millions d’utilisateurs.
En complément L’ONUDC a publié un autre rapport en septembre sur les cultures illicites en Colombie en 2017. Selon l’étude, les cultures de coca sont en augmentation par rapport à 2016 : 171.000 hectares (+17%). Le rendement des champs est resté inchangé (5,6 tonnes par hectare et par an), la production potentielle de chlorhydrate de cocaïne (le produit fini) est en hausse, entre 1.174 et 1.623 tonnes (31% de hausse). Au Pérou, en Bolivie, au Guatemala les champs de coca sont aussi en augmentation.

L'ONUDC

L'ONUDC

Sans transition à la mi-janvier 2014, la Guardia Civil en collaboration avec la police tunisienne a démêlé le fil d'une sombre affaire de séquestration (l'opération «Tunez-Madrid»). Au bout de 2 mois, 2 personnes enlevées (un espagnol et un colombien résidant en Espagne) ont été libérées par l’armée tunisienne près de la frontière algérienne, après qu’une demande de rançon de 150.000 euros ait été envoyée à leurs proches. Visiblement, il s’agit d’un litige entre trafiquants de drogue : 15 personnes, dont des membres de la Camorra, ont été arrêtés. Le colombien enlevé est Eutimio de Jesus Pino Alvarez. 

L’espagnol est Faustino Orbegozo Gaztanaga, 65 ans. Ce dernier est connu des services de police. D’abord parce que son père, un industriel basque, avait lui aussi été séquestré par l’ETA en 1982 sur fonds d’«impôt révolutionnaire», mais surtout pour ses activités de trafic. En décembre 1988, Orbegozo Gaztanaga avait été arrêté près de Barcelone avec 40 kg de cocaïne. Il avait été condamné dans cette affaire à 12 ans de prison, aux côtés de ressortissants vénézuéliens. En mars 2005, il est de nouveau arrêté dans une affaire d’importation de 459 kg de cocaïne depuis la Colombie (opération «Renacuajo», impliquant les paramilitaires des AUC). Il avait ensuite été condamné à 9 ans de prison en février 2009. Pas moyen de savoir de quel clan camorriste on parle mais fort à parier que ça puisse être des affiliés des Gionta qui ont des nombreux contacts au Maghreb.

Les prochains mois verront surtout la chute d'un des derniers gros empires camorriste, celui de Michele Zagaria du clan des Casalesi. En plusieurs opérations, une grande partie du réseau est démantelé, des élus arrêtés, des conseils municipaux dissous, des entreprises saisies, des scandales de chantiers publics, de policiers véreux, d'un réseau de corruption lié à des travaux publics de l'ordre de 3 millions d'euros à l'hôpital «Sant'Anna e San Sebastiano» de Caserte et d'entrepreneurs pris en flagrant délit de collusion mafieuse. Rien que ça. 
L'ampleur du démantèlement et ses ramifications dépasse l'entendement dans un pays où pourtant on a déjà tout vu et entendu en matière de collusion mafieuse à grande échelle.
En juin 2014, un des boss du clan des Casalesi (je le rappelle qui est en fait une fédération de clans avec plusieurs chefs), Antonio Iovine, devenu repenti (enfin quelques jours seulement) déclare  «que le clan n'avait pas d'avenir» et qu'avec Michele Zagaria "il n'y avait plus de compréhension», au point que Francesco «Sandokan» Schiavone (un autre boss) avait «proposé de tuer Zagaria». Propos tenus par vidéoconférence dans le cadre du procès à propos des menaces contre les journalistes Roberto Saviano et Rosaria Capacchione à Naples. 

Zagaria, Iovine, Schiavone (Repubblica ; Pupia.tv ; InterNapoli)Zagaria, Iovine, Schiavone (Repubblica ; Pupia.tv ; InterNapoli)
Zagaria, Iovine, Schiavone (Repubblica ; Pupia.tv ; InterNapoli)

Zagaria, Iovine, Schiavone (Repubblica ; Pupia.tv ; InterNapoli)

Fin février, les Mossos d’Esquadra (la police catalane), interpellent 16 personnes, accusées de vendre des faux bijoux dans la région de Barcelone. 87 ventes de faux bijoux, fabriqués en Italie, ont été identifiées entre mars et décembre 2013 dans 36 bijouteries différentes de Barcelone et sa région. Les chefs du réseau ont été identifiés comme 4 napolitains, connus pour leurs liens avec la Camorra. Il s’agit notamment d’un homme de 55 ans (déjà connu en France et en Italie pour des affaires de stupéfiants, de racket et de braquage) et de ses 2 fils.

Le 13 mars 2014 c'est une bien drôle de mule qui est arrêtée à l'aéroport de Roma-Fiumicino en provenance de Caracas par la Guardia di Finanza.
Federica Gagliardi, 32 ans, transportait dans sa valise 21 paquets de cocaïne pour un poids total de 24 kg. Ancienne mannequin, elle avait été connue du grand public italien en 2010 quand elle avait accompagné Silvio Berlusconi lors du sommet du G8 à Toronto, alors qu'elle n'était qu'une simple employée du Conseil Régional du Lazio. Les rumeurs la présentaient alors comme la maîtresse de Berlusconi. En 2011, son mentor en politique, le conseiller municipal de Rome, Francesco Maria Orsi (qui l'aurait présenté à Berlusconi) est impliqué dans une affaire de corruption, prostitution et cocaïne. La "Donna Bianca" aurait joué la mule sans doute pour le compte d'un clan camorriste. Les enquêteurs vénézuéliens ont arrêté 7 complices du réseau dont un policier, un militaire et un haut-fonctionnaire de l'aéroport de Caracas.
Le 22 décembre 2016, le narco broker qui avait confié la drogue à Federica est arrêté au Chili. Pasquale «o'nano» Fiorente, 39 ans, était recherché depuis le 16 juillet 2013. Originaire de Torre Annunziata, son organisation a fourni de nombreux cartels criminels camorristes, en premier lieu les Gallo-Cavalieri (Torre Annunziata) et les Aquino-Annunziata de Boscoreale. Mais il avait également de bonnes relations avec les Lo Russo de Miano, avec toutes les cliques de Secondigliano, les Castaldo de Caivano et les Pecoraro-Renna, actifs à Salerne et à Battipaglia. Des liens avec Imperiale n'ont pas été établis mais ça n'aurait rien d'étonnant.

En parlant des mules, le journal espagnol El Confidencial a étudié 1.416 jugements de passeurs en Espagne entre 2002 et 2013 et pu établir les chiffres suivants. 
Ces «mules» sont payés entre 1.200 euros et 48.000 euros (un espagnol qui a passé 30 kg de cocaïne entre Lima et Barcelone). La rémunération moyenne se situe à 5.350 euros (5.427 euros pour un homme, soit environ 300 euros de plus que pour une femme). 4,4% des passeurs touchent plus de 10.000 euros et 14% 2.000 euros ou moins. Cela situe le «salaire» à 6,5 euros le gramme de cocaïne pure.
La rémunération se situe plutôt autour de 6.000 euros pour des départs depuis l’Équateur, la Colombie, le Pérou, la Bolivie et la République Dominicaine ; 5.000 euros pour des départs du Venezuela, du Chili, du Brésil et du Costa Rica ; 4.000 euros pour des départs d’Argentine, des Antilles Néerlandaises et du Mexique.
Les passeurs britanniques, suisses et américains sont les mieux payés avec 8.000 euros, suivis des espagnols, italiens et allemands (6.000), puis des néerlandais, portugais, polonais, dominicains, équatoriens et vénézuéliens (5.000), les argentins, boliviens, colombiens et paraguayens (4.000), les brésiliens, guatémaltèques, péruviens et roumains (3.000). Les mexicains et les bulgares sont les moins bien payés.
Le mode opératoire influe également sur les prix : 6.000 euros pour un passage avec la drogue dans la valise ; 4.250 euros si la drogue est ingérée.

Federica lors de son arrestation (Oggi)

Federica lors de son arrestation (Oggi)

En mars 2014 c'est un encore une sommité du narcotrafic qui est arrêté, J'ai nommé le monténégrin Darko Saric. Cette arrestation va fragiliser son organisation qui à partir de 2015 va commencer à s'entre-déchirer dans une lutte intestine après la saisie de 200 kilos de cocaïne dans le port de Valence, les «škaljarski» contre les «kavački». Un conflit qui perdure encore et a fait plus d'une trentaine de victimes. Les déboires judiciaires de Saric, Luka Bojovic (du clan Zemun) et aussi des réseaux de blanchiment de la mafia russophone et chinoise vont créer des appels d'air importants et secoué tout le «milieu criminel espagnol».

Selon les chiffres du Ministère de l’Intérieur, les services répressifs espagnols ont mené en 2013 17.358 enquêtes sur le crime organisé, concernant 497 groupes, démantelés, totalement ou partiellement, à 97%. Ces enquêtes concernent 6.292 personnes, surtout impliquées dans des affaires de trafic de cocaïne et de résine de cannabis, et de trafic d’êtres humains. 83% de ces groupes avaient moins de 3 ans d’existence et 70% avaient des membres de plus d’une nationalité.
Dans ces affaires, les services ont saisi : 2.102 véhicules, 119 bateaux, 6 avions, 558 armes à feu, 630 armes blanches, 909 ordinateurs, 4.498 téléphones portables, 30 millions d’euros, 19.599 kg de cocaïne, 146.708 kg de résine de cannabis, 103 kg d’héroïne et 10.055 doses d’ecstasy.

Le Ministère de l’Intérieur espagnol puble en novembre les résultats de la lutte anti-drogue en 2013. 22.878 personnes ont été arrêtées pour trafic de drogue (-4,1% par rapport à 2012), à 84% des hommes et à 65% des étrangers (36% de marocains, 12% de colombiens, 5% de dominicains, 5% de roumains et 4% de français). Pour les saisies :
– cocaïne : 26.701 kg (+28,6% par rapport à 2012), à 27% dans les eaux internationales, 28,13% sur les plages, 10,85% aux aéroports.
– résine de cannabis : 319.257 kg (-2,43%), à 28,37% à l’intérieur du territoire, 18,06% dans des ports et 17,58% en mer.
– héroïne : 291 kg (+3,2%), à 68,38% à l’intérieur du territoire.
– ecstasy : 154.732 doses (-44,67%) ; LSD : 1.628 doses (-95,24%) ; amphétamine : 506.986 doses (+121,92%). (Ministère de l'Intérieur espagnol ; Crimorg.com)

Darko Saric (DW)

Darko Saric (DW)

Fin juillet, 680 kilos de cocaïne sont intercepté dans le port d'Aguilas (Murcia). La valeur marchande est estimé à 115 millions d'euros. La cocaïne était cachée dans un voilier de 11 mètres, avec seulement un petit moteur à six chevaux. Le "Scugnizza", le nom du bateau, est passé de mains en mains plusieurs fois et avait fait plusieurs voyages le long des itinéraires de trafic. La police est entré en action peu avant 12 heures, quand un van a approché le bateau pour commencer à charger la drogue. Là le skippeur italien au casier vierge, Bartolo Di Massa, 46 ans, de Castellammare di Stabia (la patrie de Raffaele), mais résidant à San Giustino (Pérouse) et deux frères espagnols, Andres et Francisco Lopez, 66 et 68 ans ont été arrêtés. En avril 2017 les commanditaires du réseau sont arrêtés, il s'agit des frères Maurelli, Raffaele Et Giuseppe, 46 et 44 ans des entrepreneurs de Castellamare di Stabia mais résidant à Scafati et Paolo Del Sole, de Torre del Greco, un gérant de concession automobile à Scafati et qui semble être bien connecté dans le milieu des narcos.

La fin de Scarface

Le 22 juillet, les autorités mexicaines, en coopération avec la police de Caserte, interpellent à Mexico City l'italien Vincenzo Paone, 58 ans. Recherché depuis juin 2012 pour son implication dans une saisie de drogue de 424 kg de cocaïne à Modène en juillet 2006, Paone est soupçonné d'être un broker de cocaïne, agissant pour le clan Nuvoletta (basé au nord de Naples) et ses alliés siciliens. Paone serait lié familialement au clan Papa des Casalesi.

Le 27 août c'est une grosse secousse pour le milieu qui se déroule dans un centre commercial de Benahavis (près de Marbella), Samir «Scarface» Bouyakhrichan est abattu de plusieurs balles par 2 hommes armés qui ont pris la fuite. La victime sortait d'une boîte de nuit accompagné de plusieurs autres personnes. Installé dans la région de Malaga depuis 2008 en tant qu'entrepreneur immobilier, Bouyakhrichan est considéré comme un important grossiste de cocaïne en Europe, il tenait une place importante au sein du Milieu marocain d'Amsterdam. Son nom avait été cité lors du vol de 200 kg de cocaïne en octobre 2010 sur le port d'Anvers car cette cargaison lui aurait appartenu, créant une guerre entre clans rivaux aux PB, en Belgique et en Espagne (voir mes articles sur la Mocro Maffia). Il était également soupçonné d'être impliqué dans l'importation d'1,2 tonne de cocaïne, saisie en juin 2011 sur un yacht au port de Southampton. Son partenaire dans cette affaire n'était autre que Robert Dawes. Il aurait également beaucoup d'immobilier à Dubaï.

Samir Bouyakhrichan (Moordatlas)

Samir Bouyakhrichan (Moordatlas)

Cet assassinat a conduit à de nombreuses théories sur les commanditaires. Une des principales est celle qui mène à un concurrent direct de Samir, le trafiquant Richard S.E.R.V. dit «Rico le Chilien». 
Le 20 octobre 2017, sur demande néerlandaise, les policiers chiliens l'ont interpellé sur le parking Hyatt Surnommé «Richard Rico» ou «Bonzo» ou «Rico le Chilien», Riquelme Vega est recherché pour trafic de drogue, d’armes et blanchiment aux Pays-Bas, notamment du fait de ses liens avec la «Mocro Maffia». Il serait également recherché en Allemagne et au Brésil et selon rumeurs, le principal fournisseur des irlandais clan Kinahan. La rumeur veut qu'il a été arrêté à cause d'une boite mail appartenant à Daniel Kinahan le fils du boss Christy Kinahan où plusieurs messages le localisant auraient été interceptés (Irish Sun). 

Un jeu de dominos

Aurait-il demandé au Cartel Kinahan d'assassiner «Scarface» ? (un média hollandais soupçonne leur homme de main Gerard Kavanagh d'être le tueur de Samir,. Gerard est lui-même tué près de Marbella en septembre 2014). 
Pour en savoir plus sur Rico (lire mon dossier sur la Mocro Maffia). Ce qui nous intéresse ici c'est qu'il est résident à Dubaï et que cette arrestation va mettre à mal indirectement Raffaele Imperiale. En effet les enquêteurs ont pu mettre la main sur des centaines de courriels de Rico qui semblait être en lien avec plusieurs gros trafiquants européens.
Malgré la mise en place d’une application de technologie allemande destinée à protéger ses données, la DEA, a réussi à y accéder. Les premières informations ont été testé pour en vérifier la pertinence. Ainsi, prévenue par la DEA, la police irlandaise a signalé deux ressortissants irlandais à leurs collègues néerlandais. Les deux hommes ont été arrêtés en janvier 2018 en possession de 200.000 euros en liquide (les frères Joyce, des Travellers, gens du voyage celte). Une autre information extraite du téléphone de «Richard Rico» a permis de saisir 440 kilos de cocaïne au port de Rotterdam. 
Extradé des auditions préliminaires démarrent courant 2018 et les révélations s'accumulent.
On le découvre lié et partie prenante de l'organisation de Ridouan T., un des nouveaux gros parrains de la Mocro Maffia, originaire d'Utrecht. Dans plusieurs mails ça parle de liquidations ou de tentatives contre des concurrents ou des informateurs et même un procureur. (Inhetnieuws ; De Telegraaf)

La police néerlandaise en effet a elle aussi intercepté des messages cryptés de type PGP démontrant que des membres de la pègre locale voulaient s’en prendre au Procureur Koos Plooij. 
Les messages proviennent du serveur Ennetcom, qui est entre les mains de la justice batave depuis 2016 (voir mes articles sur la Mocro Maffia).
Le message menaçant viendrait d’une adresse utilisée par Ridouan T. lors d'un échange avec «Rico le Chilien». Ce dernier lui aurait conseillé «d’attendre». Le Procureur Plooij s’occupe depuis 20 ans des affaires de crime organisé. 
Mais ce sont surtout des e-mails déchiffrés entre Rico le Chilien et Raffaele Imperiale qui vont se montrer très intéressants et prouver la relation de proximité entre les deux. Ceux-ci montrent qu'il a été question de la livraison de «deux camions» par semaine (Raffaele envoie et Richard réceptionne). Dans les courriels, les deux hommes parlaient de «téléphones», mais selon la procureure Maaike van Kampen, «il s'agit d'un langage codé pour parler de la cocaïne». 
Durant ce procès préliminaire, le nom de Rico est ainsi évoqué dans trois règlement de comptes. Samir «Scarface» Bouyakhrichan, Gwenette Martha et Frank Scharrenberg. La cour a accepté la demande de l'Accusation d’auditionner Raffaele Imperiale et aussi Mink Kok. Comment cela va-t-il se dérouler vu que Raffaele est toujours libre à Dubaï ? Wait and see.

Rico Le Chilien (Panorama)

Rico Le Chilien (Panorama)

Clairement fragilisé, les réseaux camorristes espagnols vont tout de même continuer à se développer mais les narco-broker tombent les uns après les autres. 
Le 16 mars 2014, Francisco Gervasio, un narco des «Amato-Pagano», est interpellé marchant tranquillou dans  Scampia.
Le 26 février 2015, les carabiniers italiens, procède à l'arrestation près de Barcelone de Tullio «Ginocchia» Bianco, membre du clan Pagnozzi. Recherché dans le cadre de l'opération «Tulipano», menée le 10 février dernier contre un réseau autonome mais d'essence camorriste basé à Rome. Bianco était installé en Espagne pour coordonner le trafic de stupéfiants en provenance d'Amérique du Sud pour la cocaïne et du Maroc pour la résine de cannabis.
Le 9 avril, Carlo Leone, du clan Elia (du centre historique de Naples) est interpellé dans un bar de San Pedro de Alcantara, recherché depuis six ans pour trafic de drogue. 
Le 13 avril, dans la station balnéaire de Benalmadena, sur la Costa del Sol, le boss Lucio Morrone qui figure sur la liste des 100 fugitifs les plus dangereux d'Italie, est arrêté.
Lucio, boss des «Teste Matte» (oui comme le groupe ultra) qui a eu son centre d'opérations dans les Quartiers Espagnols était fugitif depuis 2010, il a été condamné à 23 ans (en cumulé) pour trafic de drogue. Son arrestation s'est produite dans un bureau de poste, où le patron se rendait pour recevoir de l'argent envoyé d'Italie. 

Le 10 juin, c'est tout le groupe de narco autour de Giovanni Nuvoletta, (le fils de Lorenzo) qui est démantelé à Milan. Sa femme, ses fils et 2 de ses neveux sont arrêtés. Une partie de l'argent de la drogue était blanchie dans la restauration en Lombardie. Des biens, estimés à 13 millions d'euros, ont été saisis : 39 immeubles, 13 voitures, 8 motos, 8 sociétés (dont une ferme de 93 hectares et de 500 bufflonnes), des parts dans 8 autres sociétés et des comptes bancaires.
Le 3 octobre 2015, Ciro Manco, membre au sommet du clan Polverino est arrêté à Aversa (Caserta). Il était recherché pour une condamnation en première instance à 30 ans de prison il y a deux ans pour association de malfaiteurs et trafic de drogue.

Ceci est le deuxième coup porté par la police au clan de Polverino dans un court laps de temps. Le mois dernier, ont été arrêtés deux personnes affiliées au clan tenu responsable de diverses manières, pour association mafieuse et trafic de drogue. L'enquête a révélé un trafic de haschisch via le Maroc et l'Espagne. Manco était notamment celui qui transportait l'argent pour le compte de Giuseppe Polverino. Les enquêteurs notent notamment qu'il a transporté une fois 2 millions d'euros dans une valise de Naples à Barcelone pour la remettre à Giuseppe pour un achat de drogue.
Dernièrement, grâce à l'enquête concernant le Vomero, quartier bourgeois de Naples, et les collines environnantes on en a appris plus. Avec les Polverino, le clan Cimmino mettait en place un système de racket. Les deux clans agissant souvent de concert, mais s'il y a eu quelques embrouilles sur la gestion des «affaires».
Le 22 novembre c'est Vincenzo Nettuno du clan Nuvoletta, alors qu’il fêtait ses 42 ans près de Marbella, qui est envoyé en calèche.

A Naples, la balkanisation continue de plus belle et les piazze se délocalisent

On l'a vu dans la partie précédente, les Amato-Pagano connaissent de gros troubles interne. Le régent nommé par Cesare Pagano et Raffaele «Lello» Amato, Mario Riccio (le gendre de Carmine je le rappelle), a été chassé de Scampia/Secondigliano. Ce qui restait du groupe s'est établi à Marano, Mugnano et Melito mais rapidement deux factions vont se faire face : celle de Riccio à Marano (le groupe Pagano) et celle de Giacomo Migliaccio, ex affidé des Di Lauro devenu un proche de Lello Amato, installé à Mugnano. La scission a démarré notamment après la décision de Giacomo de s'aligner avec les Abete-Abbinante-Notturno. Arrêté en mai 2011 «Giacomino a' femmenella» était chargé du racket dans la zone. Riccio lui va se rapprocher des Vanella Grassi pour trouver sa cocaïne. Ce n'est pas vraiment une guerre ouverte qui va opposer les deux «Familles» mais à partir de ce moment-là chaque faction aura sa trésorerie à part et plus rien ne sera mis en commun, ni la drogue, ni l'argent. (InterNapoli janvier 2013)

Giacomo Migliaccio et Mario Riccio (InterNapoli ; Cronache della Campania)Giacomo Migliaccio et Mario Riccio (InterNapoli ; Cronache della Campania)

Giacomo Migliaccio et Mario Riccio (InterNapoli ; Cronache della Campania)

Car à l'époque il faut dire aussi que les quantités de cocaïne qui arrivaient depuis Malaga était moindre et le prix avait augmenté. On était environ sur du 150 kilos (après coupage on arrivait à 300-350, alors qu'on en vendait encore le double en 2008), vendus à 33/34 000 euros/kilos et revendu à Naples 40/41 000 euros le kilo. Forcément ça fait grincer des dents surtout qu'Imperiale-Cerrone sont les fournisseurs quasi exclusifs. Cela va déclencher des tensions surtout que Carmine Cerrato (celui né en 1976) et Biagio Esposito ont commencé à parler aux autorités et que pendant quasi 3 mois les envois de drogue sont suspendus.

Appât du gain

Mario Riccio, alors en cavale en Espagne, va devoir contacter Mario Cerrone en personne (ou presque) pour relancer la machine. Mario Cerrone place d'ailleurs Vincenzo Aprea sous les ordres de Riccio à ce moment-là. Car Mariano s'est rendu compte que les Amato (donc ceux de Mugnano) prennent pour eux-mêmes 100 kilos et n'en laissent que 50 à ceux de Marano/Melito. Comme le faisait Carmine quelques années auparavant.

Pourquoi Cerrone a décidé d'alimenter la faction de Riccio alors que le réseau avait pris plutôt fait et causes des Amato ? La raison ne peut être que l'appât du gain.
Faisant la paix avec les Vanella, Mariano entreprend de s'emparer de tout Melito (une série de «barbecues» est constaté dans la zone). Avec l'aide d'un contact à Scafati, un concessionnaire qui pourrait bien être le Del Sole vu plus haut, il entre en contact avec Cerrone pour négocier la marchandise.
A partie de 2012 environ, il reçoit 50/60 kilos de cocaïne et il en donne 20/25 kilos aux Vanella, qui eux en vendent au clan des Casalesi. En plus de ça il reçoit 20 autres kilos toujours de Mario qu'il fait vendre par son frère Alfonso lui permettant à lui et Carmine «Taekwondo» Cerrato d'émerger à 45 000 euros le mois  (source casadellalegalita.info p.22-23).
Arcangelo Abate lui aussi dès 2011 cherche à contacter ce mystérieux narco qui fournit les Amato-Pagano. Il ne le connaît que sous le pseudonyme de «Lello di Ponte Persica». Selon le repenti Antonio Leonardi (casadellalegalita.info p.26)


«Ce "Lello di Ponte Persica" était en substance la vraie "clé du problème", ou celui qui pourrait déterminer le tournant décisif dans l'équilibre du pouvoir entre nous et les Amato-Pagano. Avoir de notre côté ce "Lello di Ponte Persica" signifiait prendre le contrôle de la principale source d'importation de cocaïne de Campanie. Si cette opération avait réussi, les Amato-Pagano, qui avait déjà été évincé du contrôle direct et de la gestion des places de Secondigliano,
ils auraient été mis dans un coin. Arcangelo m'a dit qu'il avait réussi à entrer en contact avec Lello mais il ne parvenait pas à fixer concrètement le rendez-vous (....) Lello pouvait être considéré comme un membre des Amato-Pagano à part entière, même s'il vendait à d'autres, il partageait l'argent avec les capi des Amato-Pagano (…) je me souviens qu'ils ont tué des gens pour le compte de Lello en Espagne, qui le gênait ou lui faisait concurrence.»

Le 4 février 2014, Mario «Mariano» Riccio, est interpellé. Condamné par contumace à 16 ans de prison il file tout droit en taule (il sera condamné en mai 2017 à 50 ans de prison).
Cette arrestation va évidement mettre un peu plus le foutoir à Naples, son frère Alfonso prend sa suite et une querelle entre maranesi (les fidèles de Riccio) et melitesi  (une vieille garde d'ex Amato-Pagano) va apparaître en sus. 
Du côté des Amato de Mugnano on voit arriver le règne de «Zia Rosaria», qui avec une main de fer va remettre de l'ordre dans tout ce foutoir et de quel façon (à voir dans le prochain épisode).

Arcangelo Abete et Rosaria Pagano (InterNapoli)

Arcangelo Abete et Rosaria Pagano (InterNapoli)

Les 13 et 14 mars 2014 d'ailleurs, doit-on voir un acte de reprise en main dans la disparition corps et biens d'Antonio Ruggiero, (un proche de Riccio) et la mort d'Andrea Castillo, dont le corps carbonisé est retrouvé dans une voiture à Casandrino ? 
Selon les enquêteurs, en fait, il est possible qu'Andrea Castello (qui avait été chargé de la gestion des places de trafic à Melito) et Antonio Ruggiero aient essayé de faire "sauter la banque", avec l'objectif de prendre une entière autonomie par rapport au contrôle du clan. 

Mais l'arrestation des auteurs présumés en 2018 va balayer le doute, il s'agissait bien d'un acte de la faction de Melito contre les Maranesi.
Le 12 mars 2015, Antonio Pastella, le frère d'un proche de Riccio, Egidio est assassiné près du bar «De Rosa», à Marano alors qu'il venait de sortir de prison.
Le 12 mai toujours à Marano, c'est Salvatore «pit-bull» Vigna, 40 ans, un autre proche de Mario tombe sous les balles.

La faction Mario Riccio est-elle destiné à se dissoudre? Le seul fait certain est que, jusqu'ici, la poignée de garçons, armés jusqu'aux dents et prêt à tout, n'aura pas gagné un grand soutien. Antonio Ruggiero était bien connu dans la ville en tant que gestionnaire de certaines activités commerciales (entreprise de construction avant et après le point de vente de boissons non alcoolisées) et liée à Salvatore Donato ("Ninuccio o redskin») et au frère d'Antonio, Francesco. Les 3 premiers mois de 2014 voient la mort de 8 hommes dans des conditions similaires. 2 cadavres dans une voiture carbonisée à Casolla (Caivano). 1 autre homme retrouvé mort dans une voiture en feu à Grumo Nevano.
Il s'agit de 3 membres du clan Cennamo qui est en proie à une scission interne entre Antonio Cennamo le boss incarcéré et Francisco Pezzella qui n'a pas accepté la nouvelle régence du clan. Les deux bandes se disputaient sur le contrôle du trafic et proposaient toutes deux à deux bandes distinctes liées aux Vanella Grassi (qui eux aussi commencent à connaître des tensions internes) d'écouler leur came dans la zone. Le 3 mars un autre homme est retrouvé mort les mêmes conditions. Fin mars rebelote avec un homme lié au Aquino-Annunziata retrouvé mort dans le même modus operandi, Francesco Fattorusso, un cousin du narco blond Sergio Paolo.

De nouveaux domaines à consolider

Dans le contexte actuel, ce qui est en jeu, c'est le contrôle du marché de la drogue. Dans ce marché vous avez les places traditionnelles de trafic actuellement assiégée par la police, Scampia, Parco Verde à Caivano, Salicelle à Afragola. Mais il y a aussi de nouveaux domaines à consolider et à élargir : à Mugnano, à Melito, la côte Domitienne, plus exclusif aux gangs d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique du Nord. Et pourtant, ces derniers mois malgré l'extension de ces marchés à Giugliano, Aversa, Marano, il semble que cela pousse encore plus les camoristes vers de nouvelles orientations dans l'arrière-pays. De nouveaux groupes à Casoria, Cardito, Afragola, Giugliano et Marano émergent. Leurs chefs, qui sont bien souvent en prison n'arrivent plus à tenir leurs troupes, et semblent impuissants face au démantèlement de leurs territoires. Les boss ne seraient plus en mesure de garantir les salaires et donc la nouvelle génération a décidé de s'organiser mais de manière plus indiscipliné et juste faire leur business dans la drogue et le racket.
Un de ces coins en expansion c'est le quartier Traiano, devenu un des centres névralgiques du trafic de drogue à l'instar de Scampia. Traiano se trouve enclavé entre Fuorigrotta et Soccavo, le nouveau supermarché de la drogue se trouve dorénavant ici selon le journal Il Mattino. 
Parce que le district de Traiano se trouve dans une situation analogue aux autres quartiers, des clans exsangues ou en proie aux difficultés qui laisse les rues à des bandes de jeunes sans étiquettes qui tiraillent le quartier et les familles. Il y a trois clans de la Camorra aujourd'hui qui - tout en "travaillant" indépendamment - viennent cycliquement faire des affaires: Grimaldi, hier et Petrone-Puccinelli aujourd'hui. Ce quartier est surtout le royaume de Mario Cerrone qui y déverse quantité de poudre aiguisant les appétits. (on y reviendra dans un prochain épisode plus en détails)

(Infoaut)

(Infoaut)

Le 26 février 2014, via Luigi Rocco à Arzano deux hommes (dont un innocent) sont tués alors qu'ils étaient dans un salon de beauté. L'exécution a été l'affaire de quelques secondes. Puis les assassins ont disparu. La scène n'est pas sans rappeler l'une des scènes du film de Matteo Garrone «Gomorra», qui donnait lieu à un véritable massacre dans un solarium. Ciro Casone du clan Moccia a été tué par les Amato-Pagano qui ont vu une bonne occasion de s'emparer de sa place de deal car ce dernier s'était embrouillé avec une partie de ses hommes qui ont rejoint le camp de Renato Napoleone de Melito. Casone a aussi été trahi par son associé Elgidio  Patricelli gendre du boss Ernesto Ferone. Selon Domenico Esposito du clan Moccia, il a été mis sous pression par les Amato-Pagano pour qu'il donne des informations sur Casone. "Tu as de la chance d'être le gendre d'Ernesto, sinon tu serais mort toi aussi" ont-ils ajouté.

Concernant les Vanella Grassi, l'autorité s'effrite aussi quelque peu et les jalousies s'aiguisent
Le 19 avril 2014, des hommes cagoulés ont pénétré dans le bar «Zanardelli» et ont fait feu à plusieurs reprises, tuant Emanuele Di Gennaro, 20 ans et Ciro Milone, 34 ans. Tous deux connus des services de police et probables affiliés au clan Leonardi.
La police va tenter de rapidement empêcher les protagonistes de réagir en opérant un raid dans le quartier. Selon les enquêteurs, après les récentes arrestations, le groupe a été réorganisé fermement, resserrant les rênes du trafic de drogue dans ses zones d'influence.
Parmi les personnes arrêtées se trouvent les boss régents présumés du nouveau groupe «Nuova Vanella Grassi» qui serait né d'une énième scission interne à Scampia dans le groupe Via Vanella Grassi. La scission se serait opéré le 29 août dernier avec le double assassinat des frères Carlo et Antonio Matuozzo, qui selon les enquêteurs géraient pour le compte des Vanella Grassi la piazza «Dietro Mianella» dans le Parco Quadra.
Le 1er juillet un des auteurs présumés du meurtre d'Antonio Mattuozzo, Ciro C., est interpellé à Cuneo, dans le Piémont. 

En avril et en octobre, 2 membres des Vanella Grassi tombent sous les balles. Une des victimes avait géré une piazza à Berlingieri mais difficile de savoir quels sont les factions impliquées même si on mise une pièce sur une querelle entre les Leonardi et les Vanella Grassi. Les choses vont se décanter plus tard quand en juin une grosse opération policière vise 44 camorristes liés au Leonardi Vanella Grassi et Abete-Abbinante-Notturno, pour association mafieuse, trafic de drogue, possession et port illégal d'armes et tentatives de meurtre. Le conflit - selon les enquêteurs - a été causé pour le contrôle des activités illégales dans la région du nord de Naples et les villes environnantes de Mugnano et Melito. 
Les arrestations ont été possibles par les déclarations du boss repenti Antonio Leonardi et ses fils Alfredo, Felice et Giovanni. Des accusations concernent 4 événements violents : la tentative de meurtre en juillet 2012 contre Giovanni Esposito (le boss du clan Abbinante), une autre tentative contre un membre du clan en novembre 2012 et 2 raids armés contre des lieux de deal. 

Le noyau des Vanella Grassi (cronache della Campania)

Le noyau des Vanella Grassi (cronache della Campania)

Le 12 septembre 2015, Salvatore Accurso, 55 ans, un membre éminent des Vanella Grassi, est arrêté à Secondigliano, avec deux autres personnes considéré comme un dealer et un guetteur (vedetta) Antonio Nocera et Alessandro Frate.
Le régent des Vanella Grassi, Corrado «‘O Cunfettar» Orefice, 46 ans, est interpellé le 25 décembre  dans une villa isolée de Monteruscello (près de Naples), il était recherché depuis septembre dernier et sa condamnation à 20 ans de prison pour association mafieuse et trafic de stupéfiants. Les carabiniers ont suivi la famille et les proches du parrain qui voulaient passer la fête de Noël avec Orefice. Malgré leurs précautions (notamment des changements de véhicule), les carabiniers ont pu intervenir et arrêter, sans résistance, le boss camorriste. 

Dans la région on tire pour se faire de la place

Fin avril 2014, un affilié important du clan Ciccarelli qui gère le trafic de drogues de Parco Verde (Caivano), Mattia Iavarone est tué par plusieurs coups de feu dans sa voiture à Cardito. L'homme vivait avec la fille de Salvatore Amato boss du clan Amato (pas de Secondigliano mais de Santa Maria Capua Vetere eh oui faut suivre), Rosa Amato, surnommé "Rosetta la terroriste", actuellement en résidence surveillée, il était considéré par les enquêteurs comme le gérant du trafic à Parco Verde. 
Ce meurtre va laisser place nette à un futur gros trafiquant de la zone, Bruno Carbone dont on reparlera plus tard. 
Le mois précédent c'est d'ailleurs probablement sa marchandise qui est stoppée par un contrôle de police. 30 kilos de cocaïne dans un camion espagnol. Le quartier va connaître un autre règlement de compte le 8 août, preuve de la nervosité de tout le monde. 
Le contexte criminel à Caivano fait actuellement l'objet d'un climat de violence, aboutissant à une série d'incidents y compris les meurtres de Gennaro Amaro, tué le 8 août 2014 et Emilio Solimene, tué le 13 octobre de la même année, Vincenzo Montino (tué 17 février), Aniello Ambrosio «o Ndin» (retrouvé mort le 21 février) et Ciro Scarpa aka "Pallino" (tué avec Montino le 17 février). Ces meurtres sont, sans doute dû à l'émancipation progressive d'une partie de la criminalité Caivanese du contrôle de certains membres liés à la vieille garde, avec l'affirmation simultanée du groupe criminel dirigé par Antonio Ciccarelli lié au groupe Abete-Abbinante-Notturno, et de celui du clan Pezzella opérant dans Cardito. 

Le 27 avril 2015, un guet-apens à Casavatore coûte la vie à Ciro «o'gorilla» Cortese, alors qu'une autre personne, Aldo «Alduccio» Pezone, est grièvement blessé.
Cortese était déjà connu à la police pour infractions relatives aux drogues et a été considéré comme appartenant au clan des Vannella Grassi. Il avait été par le passé un affidé des Di Lauro. Il est le frère de Giovanni «o'cavallaro» un proche de Paolo Di Lauro qui jouait les messagers pour le boss durant la 1ère faide de Scampia.
L'embuscade s'est déroulé vers 10h30 via Galvani, à proximité du «Gran Caffè Vittoria» dans lequel Ciro se trouvait quand les tueurs sont entrés en action. On sait qu'à Scampia les 500 "carrés de vente" ont été récupérés par les Girati au détriment des Amato-Pagano. Ce qui a poussé ces derniers à investir la périphérie nord de la ville où ils ont eu maille à partir en 2014 avec les clans de Caivano notamment (7 cadavres carbonisés attestant de la tension ambiante). Salvatore Tamburrino un repenti du clan Di Lauro indique en août 2021 qu'il s'agissait bien d'un conflit interne au Vanella Grassi et non d'une attaque des Amato-Pagano.

La riante bourgade de Parco Verde (stylo24.it ; NapoliToday)La riante bourgade de Parco Verde (stylo24.it ; NapoliToday)

La riante bourgade de Parco Verde (stylo24.it ; NapoliToday)

A Sanita le même phénomène de balkanisation des clans qu'à Scampia a déjà commencé. Déjà miné par des conflits antérieurs entre Lo Russo et le clan «Della Corte». Cette fois-ci il s'agit d'un conflit d'envergure entre les Esposito-Savarese et les Vastarella qui va déteindre aussi quelque peu sur Forcella où le cartel Giugliano-Sibillo-Brunetti-Buonerba (qui a pris la place des Mazzarella Giuliano) explose aussi en plein vol avec scissions et querelles interne.

A Ponticelli le 11 octobre 2015, Annunziata D'Amico, 39 ans, connue dans le quartier comme "La Passilona" la régente du clan D'Amico (ses frères Giuseppe et Antonio sont en prison) est abattue via Flauto Magico.
Annunziata D'Amico, est un cas tout à fait unique dans la scène criminelle. Difficile de trouver d'autres cas de «marraines» tués dans les dizaines de querelles anciennes et nouvelles qui ensanglantent Naples depuis les années soixante-dix. Femme de Salvatore Ercolani aka «Tchernobyl», elle avait 6 enfants. Selon la repentie Maria Grandulli, Nunzia était la véritable régente du clan. 
Cet assassinat pour beaucoup porte le sceau d'un contrat du clan ennemi de toujours les De Micco aka les «Bodo» de Ponticelli. Ce sont surtout les plus jeunes de ce clan qui sont les plus véhéments comme ceux des D'Amico, d'ailleurs les "babygang" pullulent dans ce quartier déshérité, autrefois poumon industriel de Naples.  Depuis la fin de l'hégémonie du clan Sarno  en 2009, Ponticelli est en proie aux guerres intestines à l'instar de Forcella et les difficultés du clan Mazzarella. Nunzia se savait menacé, elle cachait des armes et avait pris ses précautions mais cela n'a pas suffi. Le dernier mort à Ponticelli remontait au 5 septembre, avec une embuscade qui avait coûté la vie à Antonio Simonetti, un proche des De Micco. 
La régente des D'Amico était une femme puissante, elle envoyait un de ses fils mineur chercher lui-même le pizzo de 500 euros dans le magasin d'un affilié. Un repenti raconte qu'un jour des camorristes sont allés voir le mari de Nunzia pour lui parler mais c'est en fait elle qui a fait la conversation. D'autres se souviennent de ses sorties en scooter «Beverly» pour faire «le tour des téléphones», une expression utilisée pour parler des repentis. 

A Scampia ça n'a jamais été aussi calme, aussi fou que ça puisse paraître. Un seul meurtre camorriste en 2015 et c'était même le premier règlement de comptes depuis décembre 2012.

Cela ne va pas durer.

La suite ici  http://jean-philippe.savry.over-blog.com/2019/05/la-camorra-en-espagne-partie-6.html

 

 

Sources : Cronache della Campania ; Inhetnieuws ; De Telegraaf ; Casadellalegalita.info ; NapoliToday ; Il Gazzettino Vesuviano ; Il Corriere del Mezzogiorno; InterNapoli ; Stylo24.it ; ABC ; ElPais ; Crimsesite ; Misdaadjournalist ; Il Mattino ; l'Espresso ; Antimafiaduemilla ; La Repubblica ; El Espectador ; Infobae ; Panorama.

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